• ...Chose due!

    C'est marrant cette expression j'ai toujours entendu "chose promis chose due". Probablement un mélange d'accent local et d'un manque d'attention.

    Bref...

    Chapitre 14!


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  • Elle traversait la cour à pas rapide, les épaules remontées pour bloquer les rafales de vent qui menaçaient de la renverser. Elle avait abandonné l'idée de maintenir sa capuche et ses cheveux depuis longtemps dénoués collaient à son visage. Elle poussa la porte de la tour princière et lutta un instant avant de réussir à la refermer. Elle soupira en dégageant son visage.

    -Boue Finylt ! Qu'êtes vous donc allée faire dehors par un temps pareil ?

    Elle leva les yeux vers le Prince qui l'observait debout sur le palier, un rouleau de parchemin jauni dans les mains.

    -Je devais aller au relais, votre majesté.

    -ça ne pouvait pas attendre demain ?

    -Il pleuvra probablement tout autant demain.

    Il admit l'argument d'un hochement de tête :

    -Bon, puisque vous êtes là autant que vous m'accompagniez. Les agents du Nord sont arrivés hier avec leurs rapports. Je les ais lu mais j'aimerais entendre leurs commentaires de vive voix.

    -Laissez moi le temps de mettre des vêtements secs et je vous rejoints.

    -Vous vous sécherez devant le feu, allez !

    Il se détourna sans attendre. Elle grommela mais lui emboîta tout de même le pas, sautant des marches pour le rattraper. Il plissa le nez :

    -Vous sentez le chien mouillé.

    -Vous n'avez pas voulu que j'aille me changer.

    -Pas le temps d'attendre. Je n'ai pas que ça à faire.

    Il s'arrêta et la dévisagea un instant, étudiant son allure échevelée d'un œil curieux :

    -Je ne suis pas sur de vous avoir déjà vu les cheveux détachés. Vous devriez le faire plus souvent.

    -Ce n'est pas pratique votre majesté, ils se prennent dans ma cotte de maille.

    -Vous n'en portez pas.

    -Pas jusqu'à maintenant, c'est trop bruyant. Mais j'en porterai une à partir de maintenant.

    Il resta interdit devant son expression extrêmement sérieuse.

    -C'est absurde.

    -Vous m'avez cherchée.

    -Mais pas...

    Il se pinça le haut du nez en fermant les yeux, respirant profondément.

    -Peu importe.

    Il se détourna et repartit en marmonnant :

    -Je déteste quand vous êtes de bonne humeur.

    -Vous n'êtes jamais content.

    Mais elle souriait, très satisfaite d'elle même.

     

    Deux hommes bondirent sur leurs pieds quand ils entrèrent dans le bureau, saluant très bas. Boue se cala près de la cheminée, retira sa cape et la crocha à une patère. Elle posa son regard sur les deux hommes et fronça les sourcils. Ils avaient une allure familière qu'elle n'arrivait pas replacer. Le Prince s'assit et fit un geste enjoignant les deux soldats à faire de même :

    -Je vous écoute, fit Kahn en croisant les doigts.

    -Nous n'avons pas grand chose à ajouter à notre rapport, majesté. Comme nous l'avons déjà dit cela fait maintenant deux ans que nous n'avons plus aucune nouvelles des traîtres. Toutes les pistes ont été remontées, mais elles n'ont abouti qu'à des tombes, pleines nous avons vérifié. Nous sommes quasiment certains de les avoir tous retrouvés.

    -Bon ! Au moins voilà une chose qui est réglée. Vous êtes vous occupés des familles aussi ?

    -Celles qui n'ont pas voulu nous confier leurs enfants ont été emprisonnées et les enfants emmenés aux camps, majesté. Tout est désormais sous votre contrôle.

    -Sauf l'enfant échappé.

    -Nous avons interrogé le sergent qui l'avait aidé à s'enfuir, mais nous n'avons rien pu obtenir avant qu'il ne succombe. Il était trop vieux et trop têtu.

    Le Prince soupira :

    -J'espère pour vous que cet enfant n'est pas en train de fomenter une rébellion.

    -Il y a peu de chance qu'il ait survécu, votre majesté.

    -Peu de chance n'est pas l'équivalent de mort. Retrouvez moi cet enfant, qui doit être grand désormais. S'il est vivant éliminez le. S'il est mort j'en veux la preuve.

    -Majesté, il n'y a aucune trace...

    -Cherchez les liens qu'avait ce sergent ! Dois-je vous apprendre votre métier en plus du reste ? Si cet enfant n'était pas avec lui c'est qu'il l'a confié à quelqu'un en qui il avait confiance ! C'était l'enfant de son capitaine ! Il ne l'aurait pas mis dans le premier orphelinat venu !

    Les deux hommes, pourtant impressionnants de taille et de regard, se tassèrent sur leurs chaises devant la colère du Prince.

    L'histoire semblait trop familière. Boue ferma les yeux une seconde, chassant ce sentiment avec impatience. Elle avait raté la fin de la conversation.

    Les deux hommes s'étaient levés et saluaient raidement.

    -Retrouvez le ! Lança une dernière fois le Prince d'une voix sèche.

    Les hommes hochèrent nerveusement la tête et disparurent. La porte claqua dans leur sillage. Boue regarda le Prince, amusée par son expression réprobatrice.

    -Ne commencez pas, prévint-il sans la regarder, sinon je vous renvoie dehors.

    -Je n'ai rien dit !

    -Eh bien ne commencez pas !

    Elle retint un rire et il tourna un regard effaré dans sa direction :

    -Depuis quand riez vous ?

    Elle s'interrompit, réfléchissant un instant :

    -Hum... difficile à dire. Deux jours il me semble.

    Il pâlit et grimaça :

    -Depuis que vous avez tué ces assassins.

    -Hum ? Ah oui. Ça doit être ça.

    -Vous êtes horrible.

    -Et vous êtes vivant alors arrêtez donc de vous plaindre. Maintenant que j'ai vu vos... hommes, quoi qu'ils aient pu faire pour vous, je peux aller me changer ? Si je tombe malade vous allez encore moins apprécier.

    Il abandonna et agita la main, lui accordant le droit de sortir. Ce qu'elle fit sans attendre, saluant d'un air moqueur avant de sortir. Il l'entendit appeler un garde avant qu'elle ne parte :

    -Ne le quittez pas jusqu'à ce que je revienne. Je ne serais pas longue.

     

    Elle laçait sa veste de cuir sur une chemise propre quand Luciole entra.

    -Je ne pensais pas te voir ici, fit-elle en refermant la porte.

    -Je suis allée au relais, fit Boue en s'asseyant pour enfiler des bottes sèches.

    -Et ?

    -Rien de neuf.

    Luciole s'assombrit :

    -J'aurais aimé avoir des nouvelles de Liu.

    Boue posa un regard songeur sur son amie.

    -Je ne suis pas sure qu'il risque grand chose avec Carri.

    -Tu plaisantes ! Répliqua Luciole, effarée. Ce type est un nid à problèmes !

    Boue haussa les épaules et se leva :

    -C'est une une brute sans cervelle. Mais il faut lui reconnaître la capacité de se sortir des pires ennuis.

    -En y laissant les autres.

    -Peut être.

    Boue enfila un pourpoint sec et épais, d'une belle laine noire, aux poignets doublés de velours. Elle avait fini par obéir au Prince quand il lui avait ordonné de se trouver des vêtements plus dignes d'une cour impériale. Et elle commençait à se rendre compte qu'elle s'habituait au confort.

    -Cesse de t'inquiéter, ajouta-t-elle un peu brusquement, S'il leur était arrivé quelque chose on m... on nous aurait prévenu.

    L'hésitation n'échappa pas à Luciole qui lui jeta un regard acéré :

    -Promet moi que tu me tiendras au courant.

    -Evidemment, répliqua-t-elle sèchement.

    Luciole n'eut pas l'air de percevoir le mensonge et Boue quitta la pièce sans aucun remords.

     

    Le Prince lisait un rapport épais quand elle revint. Il avait un air si sérieux que Boue s'inquiéta soudain de ce qu'il pouvait contenir :

    -Mon frère est bien trop calme. Son alliance avec les Erissen semble avoir eu une conclusion heureuse pour lui mais il ne fait rien d'autre que de les utiliser comme guides.

    -Erissen ? Ce ne sont pas des guerriers ?

    -Si. Terrifiants et imbattables selon la légende. Les anciens néanmoins. Depuis quelques années ils sont... différent.

    Il avait un ton pensif, comme s'il se rappelait des temps disparut.

    -Vous semblez bien les connaître.

    -J'ai eu une...relation avec l'une d'entre eux pendant un temps. Mais elle était trop libre pour s'accommoder de ma vie de château.

    Boue secoua la tête, une moue moqueuse sur les lèvres, mais ne fit aucun commentaire. Il se tourna soudain vers elle, soupirant :

    -Que diriez vous d'un entraînement aujourd'hui ? Ne me dites pas que vous n'êtes pas d'humeur je ne vous croirais pas.

    -Il pleut, fit remarquer Boue.

    -Je n'ai pas dit que nous devions aller dehors.

    Boue lui lança un regard dubitatif.

    -Vous ne connaissez pas la salle intérieure ? Vous ne devez vraiment pas beaucoup vous entraîner.

    Il se leva, attrapant une veste épaisse qu'il enfila et lança :

    -Venez, je vais vous montrer.

    -Majesté, je ne suis pas...

    -Vous n'avez pas le choix aujourd'hui. Je suis le Prince, vous m'obéissez.

    Boue le dévisagea d'un air stupéfait quand il la dépassa, son allure royale gâchée par le regard en coin qu'il lui lança :

    -Qui y-a-t-il ?

    -Vous n'avez jamais utilisé cet argument auparavant.

    -Habituellement les gens n'ont pas besoin que je le leur rappelle.

    Boue leva les yeux au ciel et se dépêcha de lui ouvrir la porte.

    Il l'entraîna dans les couloirs, marchant à grands pas dans un silence joyeux qui inquiétait Boue au plus haut point. Quand le Prince s'amusait il était généralement le seul. Ils traversèrent la tour princière, puis celle de la bibliothèque et descendirent jusqu'au rez-de-chaussée de la tour principale avant d'enfiler plusieurs long couloirs déserts et glacés jusqu'à un bâtiment que Boue n'avait jamais vu. Il n'y avait que deux étages et elle découvrit avec stupéfaction que toutes les salles n'étaient dédiées qu'au combat. Une salle de tir occupait tout le niveau le plus bas et Boue observa avec un sourire que les soldats étaient de bien meilleurs archers que ce qu'elle avait toujours pensé. Ils empruntèrent un escalier de bois assez large jusqu'au premier, débouchant dans une salle bien plus surchauffée et à l'odeur forte de sueur et de métal graissé. Des combats à mains nues y côtoyaient des duels et des combats de groupes et elle regarda avec intérêts ces hommes, et quelques femmes mais la vue l'intéressait beaucoup moins, en sueurs, torses nus, se battre avec une violence si peu contenue qu'elle se sentit presque chez elle. Elle serait bien restée plus longtemps à observer cette étalage de brutalité mais le Prince traversa la pièce pour monter jusqu'au dernier étage et elle fut obligée de le suivre.

    Le troisième étage était bien plus richement décorés. Des fresques et des armoiries aux couleurs impériales et princières posaient tout de suite une ambiance bien moins soldatesque et les râteliers d'armes portaient des épées et des rapières plus que des lances et des hallebardes. L'étage réservé à la noblesse, supposa-t-elle. Il était vide pour le moment et le Prince se dirigea vers un banc, retirant sa veste et son pourpoint dans un geste souple. Boue s'immobilisa, observant les muscles de l'homme bouger sous sa chemise blanche, ses mouvements félins. Elle avait beau le voir presque nu tous les jours, il était bien trop séduisant pour qu'elle ne s'y habitue. Il se retourna et sourit en la voyant brusquement détourner le regard, une légère rougeur envahissant ses joues.

    -Par quoi préférez-vous commencer ? Demanda-t-il en s'emparant d'une épée et en en testant l'équilibre.

    Boue resta fascinée par le mouvement de ses muscles quand il fit tournoyer la lame dans les airs. Elle se secoua, grognant contre sa propre distraction et se força à réfléchir à une réponse appropriée. Elle finit par opter pour un haussement d'épaule très peu approprié. Le Prince leva les yeux au ciel.

    -Très bien, alors je choisis le com...

    -L'épée, interrompit-elle, je préfère l'épée.

    Il la regarda de travers et elle fut soulagée d'être intervenue à temps. Tout sauf le combat à mains nues.

    -Va pour cette fois. Je suppose que vous préférez utiliser la vôtre ?

    -ça n'a pas d'importance. Vous préférez les armes d'entraînement ?

    -Vous avez peur de vous blesser ?

    Elle grogna :

    -Vous m'imaginez avec une deuxième cicatrice ?

    -Une seule vous va si bien, je ne voudrais pas la gâcher.

    Elle le dévisagea d'un air peu amène avant de se rendre compte qu'il était sérieux. Elle secoua la tête, exaspérée, et retira sa cape et son pourpoint, laissant tomber le tout sur un banc, tas rejoint par son épée. Elle se dirigeait vers un râtelier pour y chercher une arme d’entraînement quand un sifflement lui fit tourner la tête. Elle se laissa vivement tomber au sol, roulant pour se rétablir face au Prince, un feulement de colère s'échappant de ses lèvres.

    -Vous n'auriez jamais du abandonner votre arme, fit le Prince en se plaçant entre elle et le râtelier, la laissant les mains vides.

    -Vous allez regretter de m'avoir provoquée, menaça-t-elle d'une voix furieuse.

    Elle vrilla son regard dans celui du Prince qui souriait, ignorant les spectateurs qui commençaient à s'installer tout autour d'eux. Du coin de l'oeil elle repéra Kymé et Flinn, en sueur, souriant et lui faisant de grands signes, comme deux gamins. Elle leva les yeux au ciel et le Prince en profita pour attaquer, s'attirant les sifflements de la foule. Boue plongea pour éviter la lame qui trancha une mèche rebelle de son chignon. Les épingles tombèrent au sol dans un cliquetis métallique et ses cheveux se déroulèrent lentement, entourant ses épaules, caressant ses joues. Elle se redressa de toute sa taille et toisa le Prince qui souriait, moqueur.

    -Alors éclaireur ? Demanda-t-il, voulez vous que je vous laisse prendre une arme, ou votre légendaire réputation est-elle méritée ?

    Boue inspira puis expira longuement, calmant sa colère, et fixa le Prince d'un nouveau regard. Indifférente ou calculatrice, il ne réussit pas à savoir.

    -Ne vous embêtez pas pour moi, lança-t-elle d'une voix calme.

    Elle fit un bon et quand il releva instinctivement son épée pour l'embrocher elle fit un pas de côté et d'un mouvement qui parut presque délicat, la lui retira des mains, pivota et la posa sur sa nuque. Il poussa un cri de douleur, presque avec retard, tenant la main qu'elle venait de tordre presque jusqu'à la briser. Boue se pencha à son oreille et murmura, presque tendrement :

    -Vous n'auriez jamais du me provoquer, majesté.

    Il y eut un instant de silence stupéfait, le temps que tout le monde comprenne ce qui venait de se passer, qui fut soudain remplacé par un tonnerre d'applaudissement. Boue s'écarta et rendit son épée au Prince, garde en avant, s'inclinant sans aucune moquerie. Ils étaient encore suffisamment près pour qu'elle distingue le mélange d'admiration, de colère et d'incompréhension dans le regard bleu de Kahn. Elle posa un genou en terre devant lui et baissa la tête, ses cheveux glissant pour révéler sa nuque. La salle fit soudain silence, leur souffle retenu.

    Elle avait humilié le Prince devant la moitié de la garnison et elle était prête à en payer le prix. Le Prince souffla, agacé :

    -Ne soyez pas stupide, fit-il d'un ton sec, relevez-vous et allez chercher votre épée.

    Elle se redressa, hésitante et il ajouta :

    -Je veux savoir pourquoi vous m'avez vaincu aussi facilement.

     

    Quand il accepta enfin qu'ils arrêtent la nuit était tombée et Boue avait les nerfs à fleur de peau. Le Prince était un élève insupportable. Et doué. Mais tellement insupportable que si elle devait recommencer elle allait le tuer.

    -Votre technique est étonnante, fit-il en allant reposer son arme.

    Son torse luisait de sueur, sa chemise depuis longtemps abandonnée. Boue était presque dans le même état, sa chemise noire collait à sa poitrine et son dos et des mèches échappées de sa tresse collaient à son visage et à son cou. Les observateurs avaient fini par s'en aller, mais Flinn et Kymé étaient encore là, observant Boue et le Prince d'un œil critique.

    -Je ne suis pas sure de vouloir savoir ce que vous voulez dire, répliqua Boue.

    Il ignora sa réponse et poursuivit :

    -A première vue vous avez surtout l'air rapide, vos coups sont précis, vous ne perdez pas d'énergie. Vous combattez comme on pourrait s'y attendre de la part d'une femme.

    Boue grogna une insulte qui choqua Kymé, mais qui fit beaucoup rire Flinn. Le Prince l'observa d'un œil amusé, se délectant de la vue de son corps souligné par sa chemise humide, avant de poursuivre :

    -Mais quand on teste un peu plus loin, la puissance de vos coups équivaut à celle de n'importe quel soldat et on oublie votre rapidité jusqu'à ce que vous gagniez. Tous les éclaireurs sont-ils comme vous ?

    Elle haussa les épaules sans répondre, le visage plissé en essayant de déterminer si elle devait remettre son pourpoint propre sur sa chemise trempée avant de secouer la tête et de le draper sur son bras avec sa cape. Elle épaula son baudrier, son épée pendant sur sa hanche et attendit que le Prince veuille bien se décider à partir. Mais il s'était tourné vers les deux soldats qui attendaient tranquillement.

    -Vous avez déjà vu des éclaireurs combattre non ? Comment est-ce ?

    Flinn sourit :

    -Pour de vrai, vous voulez dire ? Violent. Ils ne s'embarrassent pas de fioritures, l'important c'est de tuer et de ressortir vivant de la bataille.

    Boue roula des yeux en grimaçant mais ne le contredit pas.

    -Il y a beaucoup de morts chez les éclaireurs dans une bataille ? Continua le Prince en se dirigeant vers la sortie, Flinn à ses côtés.

    -Bien sur que non, répondit Boue à sa place, sinon toute cette technique ne servirait à rien. Le but est de survivre vous vous rappelez ?

    -Je croyais que le but était de vaincre ? Répondit le Prince en se tournant à moitié vers elle, les sourcils froncés.

    -Le but est de vaincre ET d'en sortir vivant pour pouvoir recommencer.

    -Il semble que vous ayez presque failli à votre tâche, fit remarquer Kahn d'une voix songeuse.

    Les trois autres échangèrent un regard. Kymé et Flinn ne savaient pas grand chose, mais ils savaient qu'elle était passée bien plus près de la mort qu'elle ne voulait l'admettre.

    -Peut-être, concéda Boue.

    Ils finirent la descente en silence et le Prince se dirigea vers ses appartements, faisant signe à Boue de le suivre. Elle eut un geste fataliste vers Flinn et Kymé avant de courir pour le rejoindre dans le couloir.

    -Vous ne dites jamais tout, n'est ce pas ? Demanda-t-il sans la regarder.

    -A propos de quoi ?

    -De tout. D'Avalon, de votre blessure, de la raison de votre présence ici.

    -Ma blessure est assez évidente, et vous savez très bien pourquoi je suis ici.

    Il secoua la tête :

    -Vous n'êtes pas une simple éclaireur. Je ne suis pas stupide au point de ne pas remarquer votre habileté. On n'envoie pas quelqu'un d'aussi doué que vous simplement pour garder le couple Impérial dans un palais avec une garnison entière à leur service.

    Boue ne sut quoi répondre et il murmura :

    -J'aimerais que vous me fassiez confiance un jour. Mais je doute que vous restiez suffisamment longtemps ici pour que je le vois.

    Boue fut surprise de la blessure qu'elle entendait dans sa voix et tourna un regard curieux vers cet homme qu'elle avait eu l'impression de parfaitement saisir. Peut-être avait-elle eu tort.

    -Vous savez déjà beaucoup de choses, finit-elle par dire.

    Il hocha la tête :

    -Mais pas par vous. J'aurais préféré les apprendre de votre part.

    Ils échangèrent un regard et il sourit :

    -Vous allez prendre froid dans cette tenue. Allez vous changer.

    -Je ne vous laisserai pas tout seul, fit-elle en haussant les épaules.

    Il regarda autour de lui mais le couloir était désert. Il n'y avait même pas de torches et seules les immenses fenêtres laissaient passer un peu de lumière. Kahn s'était immobilisé et regardait dehors, pensif. Boue remonta le baudrier qui glissait sur son épaule. La silhouette de l'homme se découpait dans la lumière crépusculaire, lui donnant une allure fantomatique et pourtant toujours aussi impressionnante. Il était grand, large d'épaules, ses cheveux blonds tressés sur sa nuque encadraient son visage et la légère barbe, visible dans la lumière, faisait une tâche sombre sur son visage. Il tourna ses beaux yeux bleus vers elle et lui sourit. Ils restèrent un instant silencieux. Ce fut le bruit et la lumière approchante d'un groupe de serviteurs qui les sortit de leur torpeur. Boue détourna les yeux et remonta les épaules, une soudaine tension s'installant dans sa nuque. Le Prince soupira et haussa les épaules :

    -On y va ?

    Elle hocha la tête et ils reprirent leur route, croisant le groupe qui s'écarta respectueusement sur leur passage. Mais le murmure qui les accompagna était légèrement moqueur. Le Prince grogna :

    -Vais-je regretter ce combat le reste de ma vie ?

    -Probablement.

    -Y a-t-il meilleur que vous ?

    -Certainement.

    -Qui ?

    -Aucune idée.

    Elle pinça les lèvres ignorant son regard suspicieux. Elle n'admettrait jamais connaître quelqu'un de meilleur qu'elle.

    Un étrange pincement lui rappela qu'elle n'avait pas revu Ile depuis plus d'un an. Que faisaient donc les autres depuis tout ce temps ? Que pouvait bien faire Carri ? Elle aurait du être sortie de ce palais depuis des mois, pourquoi n'avait-elle aucune nouvelle ?

    -Vous froncez les sourcils, remarqua le Prince alors qu'ils empruntaient un escalier pour rejoindre ses appartements.

    -Et ?

    -Vous froncez les sourcils quand quelque chose vous préoccupe. Je peux faire quelque chose ?

    -Non.

    -Vos réponses monosyllabiques sont toujours aussi agréables.

    Boue grogna et il n'insista pas.

     

    Elle descendit l'escalier jusqu'à la bibliothèque et salua Elion d'un hochement de tête. Elle se faufila entre les étagères surchargées et trouva le coin qu'elle cherchait. Elle l'avait découvert peu de temps auparavant, dans l'une de ses multiples tentatives d'échapper à l'enthousiasme débordant du Prince pour la politique. Elle prit un rouleau aussi long que son bras et alla l'ouvrir sur une table, le bloquant entre un chandelier éteint et un encrier vide. C'était une carte immense, peinte sur une toile de lin épaisse par quelqu'un qui, en plus d'avoir d'excellentes qualités de dessinateur, avait des notions de géographies impressionnantes. Elle représentait l'Empire, durant le règne de l'empereur précédent, père de l'Impératrice. Les frontières étaient moins étendues, et des régions comme le Nord ou l'Est étaient encore indépendantes. Les relais éclaireurs étaient notés, mais aussi ceux des messagers, les caravansérails. Les routes étaient dessinées en fonction de leur importance et de leur fréquentation, les villes étaient accompagnées de symboles et de notes précisant leur importance, leurs défenses, leurs allégeances variables.

    Du doigt Boue suivit le fleuve Avalon sur les six cents lieues depuis la mer jusqu'à la ville du même nom. Elle relut les détails noté à côté du minuscule dessin de la ville fortifiées. Trois cent milles habitants. Douves d'une profondeur inconnue, d'une largeur de dix mètres. Murailles de quinze mètres de hauteur. Allégeance à l'Empire fiable.

    Son doigt revint doucement vers Atlantide, puis sur Ile. Il n'y avait pas de détails sur Ile, seul le nom était noté à côté et le dessin du village de pécheur de la côte. Sans nom pour sa part.

    Elle leva la tête et soupira en voyant le Prince arriver :

    -Je ne m'attendais pas à vous voir ici. Qu'est ce que vous regardez ?

    Elle avait retiré sa main et haussa les épaules :

    -Une carte.

    Il se pencha à côté d'elle et siffla, impressionné.

    -Je ne l'avais jamais vue ! Elle est précise.

    -Pas très exacte pour la situation actuelle. Mais c'est dommage que personne ne l'ait corrigée. C'est triste qu'elle reste là.

    -L'Impératrice en a une plus récente.

    -Je l'ai vue. Elle n'est pas aussi précise que celle là.

    -Hum.

    Il fronça les sourcils puis appela :

    -Elion !

    L'homme arriva peu après, surpris.

    -Majesté ?

    -Cela vous embêterait-il de trouver qui a peint cette carte ?

    L'homme s'approcha et sourit :

    -Ah oui. Je me rappelle, mon maître avait été choqué d'apprendre qu'elle avait été rangée. C'est un atelier de la demi-ville qui l'avait faite sur commande de l'empereur George II le Studieux.

    -Le grand-père de l'Impératrice ?

    -C'est exact. Elle a été modifiée à deux reprises, regardez.

    Il montra des endroits où l'encre semblait se superposer à des couches plus anciennes.

    -Voyez ici, le village n'existait pas à la première écriture, et voyez toute cette ligne de caravansérails.

    -Pensez-vous pouvoir trouver quelqu'un pour la remettre à jour ?

    -Hum… dans l'immédiat je ne suis pas sur, mais je peux chercher si vous voulez. Ce genre de travail demande un expert.

    -J'imagine bien. Tenez moi au courant.

    -Bien sur, votre majesté.

    L'homme s'inclina et repartit. Boue regarda le prince d'un air amusé.

    -Quoi ?

    -Pourquoi vouloir récupérer cette carte ? Vous n'avez jamais voulu afficher des cartes.

    Il haussa les épaules :

    -Je ne suis pas le stratège de ce palais, j'ai rarement besoin d'une carte alors pourquoi m'encombrer ? Mais celle-ci est si belle qu'il serait dommage de la laisser ici.

    Boue secoua la tête et se détourna, se penchant à nouveau vers la toile étendue sur la table. Ses yeux revinrent vers Ile et elle sentit le Prince faire le tour de la table pour suivre son regard.

    -Les éclaireurs vous manquent ?

    Elle lui jeta un regard noir mais s'épargna la peine de répondre. Il soupira :

    -Que puis-je faire pour faire passer votre humeur morose ?

    -Je croyais que vous n'appréciiez pas de me voir de bonne humeur ?

    Il eut un geste exaspéré.

    -Cette carte revient sur notre discussion sur les éclaireurs. De toute évidence ils n'existaient pas à l'époque de sa création.

    Boue désigna des points minuscules sur la carte :

    -Et pourtant il y avait des relais?

    Il fronça les sourcils :

    -C'est étrange, vous avez raison.

    -J'imagine que noter de telles informations au vu et au su de tous était déconseillé. Est déconseillé.

    -Combien de compagnies sont en service en ce moment ?

    Elle haussa les épaules :

    -Je suis de la dixième, il y a eu deux compagnies après la mienne. Je ne connais que la neuvième et la huitième. Je crois que les autres sont entièrement mortes ou démantelées. Je ne sais pas d'où vient le commandant.

    -ça ne vous intéresse pas de savoir ?

    Il ne la regardait pas. Elle secoua la tête :

    -Il y a des choses que je préfère ne pas approfondir.

    -Amusant.

    -Oui, vous avez l'air amusé.

    Il lui fit son plus beau sourire et elle frissonna.

    -Vous étiez censée partir en mission, n'est-ce pas ?

    -Et ?

    -Qu'est devenu votre partenaire ?

    -J'ai échangé avec quelqu'un. Il est parti en mission à ma place.

    -Pourquoi ?

    -Parce que j'avais besoin de faire une pause.

    -Hum. Et votre partenaire ? Elle était d'accord ?

    -Il n'avait pas tellement le choix.

    Elle eut un sourire moqueur en voyant sa grimace.

    -Et il…

    -C'est mon capitaine et je le déteste.

    -Ah. Drôle d'équipe.

    -On est des professionnels, fit-il elle avec un sourire ironique.

    -C'est comme ça que vous réussissez à travailler avec moi ?

    Elle éclata de rire :

    -Vous pensez que je vous déteste ?

    -Clairement je vous ennuie.

    -C'est différent.

    Ils s'observèrent un instant puis se sourirent et retournèrent à la carte.

    -Il y en a d'autres ?

    -Plus anciennes ou moins précises. Mais j'ai trouvé des plans militaires des frontières. Et quelques plans de villes.

    -Ici aussi ?

    -Non étonnamment. J'imagine qu'ils sont enfermés quelques part.

    -Vous voudriez les voir ?

    Les yeux de Boue brillèrent d'intérêt et il eut un claquement de langue satisfait :

    -Alors venez, je vais vous montrer ma pièce préférée.


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  • Une nouvelle version de notre (mon? ) Rif national, faite par Seby le Chat!

    (Contexte original avec plein d'autres trucs chouettes ici !)

    Nouveau Rif!

     


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  • Hello...

    Les petits points c'est pour marquer mon embarra à l'idée d'avoir mis si longtemps à publier la suite.

    Mais voilà! Tada! Chapitre 13!

    Il est un peu court je l'avoue. Mais bon le temps que je relise la suite et normalement elle arrive!

    Enjoy!


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  •  

    Boue épingla rapidement ses cheveux en un chignon serré et vérifia son allure dans le petit miroir de la chambre. Le jour se levait quand elle sortit de la chambre à grands pas se dirigeant sans hésitation vers la minuscule passerelle qui la mènerait directement à la tour Impériale. Elle avait fini par s'habituer à la hauteur des pontons et passages aériens et les empruntait désormais sans trop y penser.

    La porte rouge du bureau apparut bientôt devant elle. Les deux gardes la saluèrent quand elle arriva et elle fut immédiatement introduite devant l'Impératrice. Elle portait ce jour là une tunique longue et pourpre, au décolleté carré très sage avec de larges manches resserrées sur les poignets, brodées ton sur ton. Un pantalon de voile noir couvrait ses jambes et des cheveux tombaient en une tresse artistiquement décoiffée sur le côté de son visage. Le seul bijou qui accompagnait cette tenue étonnante était le fin diadème d'or et de rubis qui ne la quittait presque jamais. Boue eut à peine le temps de saluer avant que la voix sèche de l'Impératrice ne l'apostrophe.

     

    -Vous avez demandé à me voir.

     

    Boue nota l'absence de Luciole avec un froncement de sourcils.

     

    -Oui, Majesté.

     

    L'Impératrice lui fit signe de poursuivre et Boue expliqua :

     

    -Il y a un contrat sur la vie du Prince Consort, votre majesté.

     

    Camyl ne sembla pas s'en émouvoir :

     

    -Les Dissidents ?

     

    -Oui, Majesté.

     

    -Avez-vous prévenu le Prince ?

     

    -Pas encore, Majesté.

     

    -N'en faîtes rien. Je veux qu'ils viennent et je veux pouvoir les interroger. Protégez mon époux, mais ne faîtes rien qui puisse les inquiéter. Je veux des rapports journaliers. Prévenez l'éclaireur Hart mais restez discrètes.

     

    -A vos ordres, majesté.

     

    -S'il meurt éclaireur, ce sera de votre faute.

     

    Le regard froid et menaçant de l'Impératrice se heurta au calme impénétrable de Boue.

     

    -Cela n'arrivera pas, majesté.

     

    -Je l'espère pour vous. Vous pouvez disposer.

     

    Boue salua et sortit. Elle croisa Luciole qui s'apprêtait à rentrer. Celle ci poussa une exclamation de surprise quand Boue la prit un peu brutalement par le bras et l'entraîna hors de portée de voix des gardes.

    -Lâche moi ! Qu'est ce qui te prend ?

     

    -Tu as laissé le Prince avec une garde ?

     

    -Le... pourquoi je...

     

    Le regard condescendant de Boue la fit rougir et elle hocha la tête, gênée.

    -Il y a un contrat sur sa tête. Les Dissidents. Il n'en sait rien et l'Impératrice veut tendre un piège aux assassins. Pas un mot sauf nécessaire.

     

    Les explications laconiques de Boue semblèrent suffire et les deux jeunes femmes se séparèrent sans un mot de plus.

    Boue retourna vers la tour du Prince au pas de course, ignorant le léger pincement de jalousie qu'elle avait eu à la vue de Luciole. Elle s'arrêta avant de déboucher dans le couloir à la porte bleue et entreprit de se calmer. Elle ne devait pas être différente de la veille, le Prince ne devait pas se rendre compte de son inquiétude.

    Enfin calme elle marcha jusqu'à la porte encadrée par deux gardes à l'air de s'ennuyer profondément. Boue leur sourit d'un air compatissant tandis qu'ils frappaient à la porte. Elle entra sans attendre de réponse et referma derrière elle.

    Le Prince était assis dans son fauteuil habituel, une jambe par dessus l'accoudoir, un livre dans la main, toujours torse nu. Il leva les yeux vers la jeune femme et fronça les sourcils.

    -Vous êtes toujours d'une humeur noire à ce que je vois.

     

    Boue secoua la tête en grimaçant et s'approcha :

     

    -Pas du tout. Je réfléchissais c'est tout.

     

    -A quoi donc ?

     

    Boue haussa les épaules et alla s'appuyer sur le linteau de la cheminée :

    -A votre résistance au froid. Je n'arriverai jamais à comprendre comment, venant d'un pays chaud, vous pouvez être tout le temps torse nu.

     

    Il baissa les yeux, semblant seulement remarquer.

     

    -Oh. Je ne sais pas. Ça ne m'a jamais vraiment posé de soucis. Vous avez froid, vous ?

     

    -Pas vraiment. Mais je suis habillée moi.

     

    Il inclina la tête avec un sourire en coin et Boue leva les yeux au ciel. Elle se détourna, et alla se poster près de la fenêtre. Le Prince reprit la parole.

    -Je suppose que vous ne comptez pas me mettre au courant, si ?

     

    Elle s'empêcha de le regarder.

     

    -Au courant de quoi ?

     

    -Du contrat sur ma tête, voyons. Ne prenez pas pour un idiot.

     

    Elle se tourna vers lui. Il la dévisageait d'un air tranquillement interrogateur.

     

    -Si vous savez déjà, pourquoi devrais-je vous mettre au courant ?

     

    Il soupira :

     

    -Je n'aime pas être utilisé comme appât, vous devriez le comprendre.

     

    Elle détourna le regard. Il se leva et s'approcha d'un pas souple. Il laissa tomber le livre sur la tête de Boue qui se crispa sous l'impact :

     

    -J'aurais préférer pouvoir vous faire confiance à ce sujet, mais les événements me donnent raison. Pourquoi être allée voir mon épouse avant de me prévenir ?

     

    Elle garda les yeux baissés :

     

    -Parce que c'est à elle que je rends des comptes.

     

    -Je pensais que vous me faisiez confiance.

     

    -ça n'a rien à voir.

     

    Il lui prit le menton, la forçant à le regarder :

     

    -Vous pourriez me faire confiance, fit-il bien plus sérieusement que tout ce qu'elle avait put entendre jusqu'ici, vous le savez n'est ce pas ?

     

    Boue se dégagea brutalement et s'écarta.

     

    -Ne dites pas n'importe quoi. Je suis entraînée pour ne faire confiance à personne.

     

    -Pas même à vos camarades ?

     

    Elle haussa les épaules.

     

    Il resta silencieux un long moment avant de retourner s'asseoir :

     

    -Qu'avez vous prévu de faire ?

     

    -L'Impératrice veut leur tendre un piège.

     

    -Mais vous, qu'avez vous prévu ?

     

    Elle eut un geste fataliste :

     

    -Arrêter de dormir, je suppose.

     

    Il sourit :

     

    -Vous pourriez prévenir Luciole. Vous partageriez ma garde.

     

    -Je doute qu'elle soit à même de vous garder quand elle est en votre compagnie.

     

    Il grimaça mais ne la contredit pas.

     

    -Qu'est ce qui vous a pris hier ?

     

    Elle fronça les sourcils, perplexe.

     

    -Hier ?

     

    -Quand vous êtes partie de la bibliothèque en courant sans un mot d'explication et que vous avez ensuite refusé de combattre avec moi ?

     

    -Ah, hier.

     

    Elle avait déjà oublié. Beaucoup de choses bien plus intéressantes s'étaient passées entre temps.

     

    -J'avais besoin de prendre l'air, je vous l'ai dit.

     

    -Comme ça ? Soudainement ?

     

    -Oui.

     

    -Vous m'en voyez déçu. J'espérais au moins que vous ayez un rendez vous important ou un amant à retrouver.

     

    Boue haussa les épaules :

     

    -Désolée de vous décevoir.

    Le regard moqueur qu'elle lui lança le fit soupirer. Il se détourna et Boue laissa ses poings se desserrer lentement dans son dos.

     

     

     

     

     

    Le Prince effaça avec difficulté l'expression d'horreur de son visage et se redressa avec hésitation. S'asseyant il parcourut la pièce du regard. Le salon était sans dessus dessous, les meubles renversés et des papiers éparpillés au sol. La fenêtre cassée laissait passer un courant d'air glacé qui avait soufflé les bougies. Des flaques de sang tachaient le tapis.

    -Majesté ? Vous n'avez rien ?

     

    Boue se penchait vers lui, une main tendue pour l'aider à se relever. Il la saisit et elle le tira sur ses pieds. Il chancela un instant et elle le soutint par le coude.

     

    -Je... hum. Ça va. Et vous ?

     

    Il avait la voix rauque. Il eut honte de son état émotionnel quand Boue semblait n'avoir fait qu'une promenade.

     

    -Moi ? Aucun soucis.

     

    Elle le guida vers la porte, dépassant les trois cadavres étendus dans des positions grotesques. Il posa les yeux sur eux et frissonna.

     

    -Vous les connaissez ? Demanda Boue en s'arrêtant.

     

    -Non.

     

    Elle ouvrit la porte et il ouvrit la bouche, stupéfait. Une véritable armée était campée là. Le capitaine Kymé s'approcha :

     

    -Tout s'est bien passé ? Demanda-t-il à Boue.

     

    Elle hocha la tête :

     

    -Majesté ? Le lieutenant Kymé va vous conduire aux appartements impériaux. L'Impératrice vous attend.

     

    -Vous auriez pu me prévenir, fit-il d'un ton plein de reproches.

     

    -A quoi ça aurait servi ? Vous feriez mieux de rejoindre l'Impératrice. Je viendrais faire mon rapport dans la matinée.

    Un peu vexé de se faire diriger comme un bleu il la regarda s'accroupir près du dernier cadavre et retirer un pendentif coincé dans sa chemise.

     

    -Qu'est ce que c'est ?

     

    Elle le lui montra d'un air sombre : un petit dragon argenté. Il s'assombrit :

     

    -Comment ont-ils réussit à entrer ?

     

    -C'est bien tout le problème. Tout ce plan était fait pour le savoir et nous n'en avons aucune idée. Ils ont reçu de l'aide, c'est certain. Nous avons réussi à arrêter un serviteur mais il est mort avant qu'on ait pu l'interroger. Et il n'était probablement pas le seul.

     

    Elle semblait contrariée et le Prince se demanda si c'était à cause du danger que lui et l'Impératrice couraient ou parce que des gens avaient réussi à passer sous sa surveillance. Il apprécia soudain de l'avoir avec lui.

     

    -Hum... merci en tout cas.

     

    Elle tourna vers lui un regard surpris.

     

    -Pardon ?

     

    -Merci de m'avoir sauvé la vie.

     

    -Oh.

     

    Elle haussa à nouveau les épaules et se détourna :

     

    -C'est pour ça que je suis là. Il faut y aller maintenant.

     

    Il hocha la tête et laissa Kymé et un groupe de gardes l'entraîner loin du carnage. Regardant une dernière fois en direction de son garde du corps il remarqua un éclat dans ses yeux qu'il ne lui connaissait pas. Un léger sourire flottait sur les lèvres de la jeune femme, un sourire froid, satisfait. Il frissonna : elle était magnifique.

    Boue retourna près des cadavres et entreprit de les examiner. Ils ressemblaient à n'importe quels atlantes. L'un brun, les deux autres d'un châtain un peu plus clair. Légèrement barbus, une constitution de soldat comme on en croisait partout en ville. Ils n'avaient rien dans leurs poches ni dans leurs bourses. Les bottes ne donnèrent que des couteaux. Elle ne trouva que des pendentifs. Trois fois le même : un dragon argenté enroulé, crachant du feu, pas plus large que son pouce. Elle les tint devant ses yeux, se demandant cyniquement s'il y avait une telle différence entre ce pendentif et les armoiries impériales.

    Elle baissa le poing, fourrant les pendentifs dans sa poche. Elle se tourna vers le garde qui attendait qu'elle ait fini.

     

    -Dites moi si vous trouvez autre chose.

     

    Il hocha la tête et elle quitta la pièce.

     


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