• Chapitre 4:

     

    Deux ans plus tard, en plein hiver, le chef leur annonça leur première guerre.

     

    -Mais qu'est ce que c'est que cette pluie! Ronchonna Boue en rentrant sous la tente, On n'y voit pas à trois pas!

    -Ça s'appelle l'hiver, répondit Luciole assise plus loin, tu ferais mieux d'essorer ta cape si tu ne veux pas mourir en arrosant quelqu'un.

    Effectivement les soldats présents sous la tente regardaient d'un air mauvais la flaque se formant à ses pieds et Boue décida sagement de crocher sa cape à l'entrée. Elle se laissa tomber près de la jeune femme avec un grognement de soulagement. Cela faisait trois mois qu'ils campaient devant la ville de Heiey et la bonne humeur n'était pas à son plus haut. Le combat avait plutôt bien commencé, l'armée Atlante étant largement supérieure en nombre et bien mieux préparée à une pareille situation. Mais comprenant bien vite leur faiblesse, les généraux ennemis avaient faire battre la retraite dans le seul endroit qu'ils savaient presque inexpugnable : la ville fortifiée. Une fois les portes refermées bon nombres d'Atlantes s'étaient fait massacrés sous la chute de pierre, de sable brûlant, plus occasionnellement de flèches. Un siège avait donc commencé et... ils en étaient toujours là depuis trois mois. Le temps qui était clair durant la première partie du conflit s'était rapidement dégradé et le temps était devenu pour le moins humide. L'humeur maussade de l'armée campée sous l'eau était accentuée par le fait que l'eau faisait énormément de dégâts. Elle s'infiltrait partout: dans les sacs de vêtements, dans les réserves de nourriture qui pourrissaient, dans les armures, les épées et les cottes de mailles qui rouillaient. Les maladies se répandaient de plus en plus et l'armée réputée invincible avait commencée à se disloquer, pour la plus grande joie des assiégés.

    Boue et Luciole, comme tous les éclaireurs, s'étaient vues confiés des missions de repérage, d'infiltrations... Mais devant de telles murailles leur travail devenait presque inutile. Alors elles avaient pris des tours de garde, comme tout le monde.

    Ce jour là Boue venait de finir le sien et elle et Luciole prenaient leur repas avant de repartir s'occuper quand Carri pénétra sous la tente. Avant le départ le chef l'avait nommé Lieutenant... en faisant bien comprendre à toute la troupe qu'il clouerait sur un arbre le premier à se plaindre. Curieusement, contrairement à ce qu'avait prévu Boue, Carri n'avait pas profité de sa nouvelle situation et s'était révélé être un plutôt bon chef. Il s'approcha du feu et s'assit, profitant un instant de sa chaleur. Les deux filles le regardèrent d'un air surpris. Il n'était pas du genre à supporter leur compagnie juste pour un peu de chaleur. Boue se racla la gorge :

    -Quelque chose à nous dire ? Fit-elle d'un ton neutre.

    Il tourna son regard inexpressif vers elle :

    -Les artilleurs veulent tenter une percée dans l'une des failles du côté de la petite poterne. Vous connaissez l'endroit ?

    Elles hochèrent la tête.

    -Alors rendez vous à la réserve dans cinq minutes.

    Il se leva, releva sa capuche dégoulinante et disparu.

     

    Ils rejoignirent les artificiers à l'une des extrémités du camp. Seuls Liu et Carri les avaient rejoint.

    -Pourquoi si peu de monde ? Demanda Luciole tandis qu'ils se mettaient en route, chargés de sacs étanches.

    -Si on est vu ce n'est pas le nombre qui changera grand chose, répondit Boue, Moins on est plus il reste de vivants.

    Luciole n'eut pas l'air de comprendre mais Boue haussa les épaules et se renfonça sous sa capuche pour se protéger d'une nouvelle trombe d'eau qui s'abattait sur eux.

    Ils réussirent à s'approcher de la muraille sans se faire remarquer des quelques gardes obligés de braver la pluie. Les artificiers se mirent au travail, tirant des mèches, maintenues au sec dans les vêtements, depuis les barils que les éclaireurs venaient de poser selon leurs instructions. Ils firent signe de s'éloigner et tirèrent les mèches sur plusieurs mètres. Ils battirent leurs briquets pendant plusieurs secondes tandis que les éclaireurs devenaient de plus en plus nerveux en entendant les gardes s'agiter sur la muraille. Une mèche s'enflamma soudain et se fut la débandade quand tout le monde courut se mettre à l'abri. L'armée s'était assemblée et attendait anxieusement le résultat.

    Les artilleurs finirent leur décompte. Il y eut un instant de silence. Et soudain le mur explosa. Une averse de boue et de pierre se répandit sur l'herbe dans un bruit indescriptible qui força tous les soldats à se boucher les oreilles. Un instant plus tard tout s'était arrêté. Pendant une seconde tout le monde resta immobile. Puis un cri de guerre éclata et l'armée chargea.

     

    Carri se trouvait dans la plus hautes tour de la cité et observait les allez et retours des soldats. La ville avait été facilement prise. Les soldats, stupéfaits par l'explosion, n'avaient pas eut le temps de réagir et avaient été massacré. Les civils avaient été transféré ailleurs. Seuls quelques chanceux avaient été fait prisonnier. Enfin chanceux n'était pas vraiment le terme approprié.

    La ville était belle malgré la pluie. Les maisons blanches luisaient et de son perchoir il aurait même pu apercevoir la mer, située à plus d'une centaine de kilomètres, s'il ne pleuvait pas des cordes. Il entendit soudain un bruit de chute et un juron. Il se retourna vivement, l'épée au poing, et vit Boue apparaître, chancelante. Sa manche droite était en lambeaux et il pouvait voir la plaie profonde qui lui striait le bras. Elle boitait légèrement et transpirait beaucoup. Elle jura de plus belle quand elle l'aperçut:

    -Voilà! Fit elle d'une faible voix ronchonne, je me tape six escalier pour trouver le dernier étage et je tombe sur toi! C'est vraiment pas de veine!

    Elle chancela et s'appuya contre un mur, plus pâle que la mort.

    -Je ne t'empêche pas de redescendre, fit Carri en haussant les épaules, tu seras mieux soignée en bas.

    Il se détourna pour regarder par la fenêtre, mais guettant la réaction de Boue. La jeune femme eut un vague sourire et dit d'une voix si faible qu'il l'entendit à peine:

    -Ils veulent me couper le bras.

    Et elle s'effondra. Carri se précipita et la retint pour éviter qu'elle ne dégringole dans les escaliers:

    -Tu parles d'une veine, grogna-t-il en l'asseyant contre un mur, me voilà avec cette fille sur les bras.

    -Heureusement pour moi que se n'est pas le contraire, murmura Boue en remuant, je n'aurais pas pu te porter. Tu es bien trop gros.

    -Je suis fort et tu es faible, c'est l'unique différence! Répliqua-t-il en arrachant la manche de Boue. Il s'en servit pour lui bander étroitement le bras et la souleva, la posant contre son torse. Elle gémit... et s'évanouit.

     

     

    Il faisait tout noir. Elle ne sentait plus son bras. Elle ne sentait plus grand chose d'ailleurs. Mais que s'était-il passé? Elle se rappelait être montée en haut de la tour, avoir vu... elle ne savait plus qui. C'est monstrueux les trous de mémoire que l'on peut avoir. Où était-elle tiens. Encore une énigme impossible. Des pas. Une voix grave qui parle. Bizarre, personne ne répond. Monsieur, à qui parlez vous? En tout cas, personne ne vous répond.

    -Boue.

    Ah! C'était à elle qu'il parlait, en plus elle allait devoir répondre. Elle eut un grognement, elle sentit que l'homme riait doucement.

    -Au moins tu es vivante. Allez ouvre les yeux.

    Et puis quoi encore? Il ne pouvait pas la laisser se reposer?

    Elle ouvrit les yeux. Elle se trouvait allongée dans une pièce toute en pierre. Elle entendait désormais le souffle des autres blessés. Quelqu'un l'avait amené à l'infirmerie de fortune montée dans la ville. L'homme qui l'avait réveillé avait un air familier. Elle l'avait déjà vu quelque part. Elle frissonna. Le sourire de cet homme faisait froid dans le dos.

    -La Chance, marmonna-t-elle d'une voix rauque.

    -Tout juste! Fit l'autre en riant, tu as bien grandi depuis la dernière fois, dis moi.

    Boue grogna et tenta de se redresser mais elle s'écroula sur sa couche. Trop faible. La Chance la regarda:

    -Allez un petit effort! Tu as bien réussi à te traîner jusqu'en haut de la tour, tu peux bien te redresser.

    Elle lui lança un regard noir, s'appuya sur son coude pour s'asseoir. Une fois assise, elle faillit vomir, tellement la tête lui tournait.

    -Qu'est ce que tu veux? Finit elle par murmurer d'une voix faible.

    -Moi? Demanda l'autre joyeusement, Mais rien! Je venais juste voir comment tu allais!

    -Et c'est pour ça que tu m'as réveillée, que tu m'as forcée à me lever, que je suis obligée de te tenir la conversation maintenant? Je crois que je vais me recoucher dans ce cas là.

    -Certainement pas! Fit l'homme soudain sérieux, Je voudrais que tu fasses quelque chose pour moi.

    -Ben voyons! Fit elle en se rallongeant avec un soupir de soulagement, Le grand Rif le noir assassin de son état a besoin d'aide. Alors bien sur comme la petite Boue a une dette envers lui, il va la voir pour lui demander d'accomplir ce qu'il ne peut faire lui même. Bien que cette demoiselle soit blessée, avec un bras qu'elle ne sent plus, qu'elle a trop peur de regarder, qui ne peut pas s'asseoir sans vomir.

    -C'est à peu près ça oui, répondit Rif le coin de sa bouche relevé en un semblant de sourire, mais pour ton bras je suis sûr que tu vas guérir.

    -C'est pas ça qui va m'aider, grogna Boue en fermant les yeux.

    Elle sentit une douce torpeur l'envahir:

    -Eh oh! Te rendors pas! J'ai réellement besoin de toi!

    -C'est dommage pour toi, répliqua la jeune fille en ouvrant un œil, mais compte pas sur moi pour ce coup là. Je suis hors-service pour au moins deux jours.

    -Bon.

    Boue le sentit se lever et pensa qu'elle allait enfin pouvoir dormir quand elle reçu un seau d'eau sur la tête. Le choc fut si fort qu'elle poussa un petit cri en se redressant brusquement.

    -sale... commença-t-elle folle de rage en se levant.

    Mais elle chancela et Rif la rattrapa juste à temps, l'empêchant de s'écraser au sol.

    -Fais attention à ce que tu fais, fit il en la soutenant.

    Boue se dégagea avec humeur et tenta de marcher toute seule. Elle voulut lever son bras droit mais il ne répondait pas. Elle prit une grande inspiration et le regarda. Il était là à son côté, bandé. Mais il ne répondait pas. D'ailleurs elle ne le sentait pas. Elle se pinça la peau, mais c'est à peine si elle sentit ses doigts. Elle prit une grande inspiration et se tourna vers Rif qui attendait derrière elle:

    -Qu'est ce que tu attends de moi? Murmura-t-elle.

    Il lui sourit doucement :

    -Suis moi.

    Il sortit de la pièce, par un rideau, qui avait été de toute évidence placé là, après la bataille pour remplacer une porte détruite.

    Il marchait à grands pas et Boue peinait derrière lui. Il traversèrent silencieusement plusieurs rues sombres et froides. Boue trainait de plus en plus et comme elle se refusait à lui demander de ralentir au détour d'une route elle le perdit de vue.

    Elle s'arrêta et s'appuya contre mur, essoufflée. Elle leva la tête et regarda le ciel. Pour la première fois en plusieurs mois elle pouvait voir les étoiles. Milliers de points lumineux. Sa tête commença à tourner. Elle s'assit péniblement, se retenant avec son bras valide. Et soudain, la douleur éclata. D'abord dans son bras puis dans son épaule. Elle se retint de ne pas hurler. Elle se mordit la lèvre les larmes aux yeux, tâtant son bras. Elle tenta de le bouger pour trouver une position un peu moins douloureuse mais finit par le laisser reposer à terre en priant pour que la douleur s'arrête. Au bout d'un long moment elle s'estompa, pour finalement disparaître. Elle soupira de soulagement et ferma les yeux. Elle allait s'endormir quand elle entendit des bruits de pas.

    -Ah tu es là! Fit Rif en s'accroupissant près d'elle. Je m’inquiétais de ne pas te retrouver. Ça va aller ?

    Il lui tâta le bras et elle eut un petit gémissement de douleur.

    -Finalement c'était peut être mieux que tu ne sentes rien.

    -A qui la faute, franchement? Grogna-t-elle.

    Elle se leva aussi péniblement qu'elle s'était assise et fit quelques pas en chancelant. Elle trébucha et faillit s'étaler de tout son long dans la boue. Rif la rattrapa et la maintint le temps qu'elle retrouve ses esprits. Elle s'agrippa à lui de sa main valide, refusant de le lâcher.

    -Je vais rester avec toi, fit il tandis qu'ils reprenaient leur route.

    La jeune femme hocha la tête, reconnaissante. Elle ne se sentait plus du tout une âme revendicatrice.

    La Chance la mena jusqu'à un quartier qu'elle ne reconnu pas.

    -Et maintenant? Demanda Boue en fermant les yeux pour tenter d'évacuer la douleur.

    -Je voudrais que tu les fasse sortir d'ici, répondit il d'une voix calme.

    La jeune femme rouvrit brusquement les yeux. Elle se trouvait devant la prison. Dans une grande cage se tenaient trois prisonniers qui dormaient profondément. Elle faillit s'étrangler de rire, se retint juste à temps, devant le regard inquiet de l'homme vers les gardes:

    -Les... les faire sortir? Souffla-t-elle en s'efforçant de se calmer, Tu te rends compte de ce que tu me demandes? C'est de la haute trahison si je suis prise! Et puis tu ne peux pas le faire tout seul?

    -La question n'est pas de savoir si je peux le faire ou non. Ce que je demande c'est que toi tu le fasses.

    -... Pourquoi moi ?

    Il la regarda sans répondre.

    -Je ne peux pas t'aider, dit elle en s'appuyant au mur en pierre de la maison.

    -Tu peux très bien le faire et tu le sais.

    -Je ne vois pas pourquoi je risquerais ma vie pour une chose que tu ne veux pas m'expliquer.

    -Tu ne me fais pas confiance ?

    Elle lui lança un regard blessé mais ne répondit rien. Le silence s'installa.

    Boue frissonna :

    -Tu as froid ? Demanda Rif en l'entourant d'un bout de sa cape.

    -Je voudrais rentrer.

    -Très bien.

     

    -Tu n'aurais pas du te lever! Reprocha Liu, Tu te rend compte si tu t'étais évanouie? Personne n'aurait su où tu étais!

    -C'est bon! Fit Boue exaspérée, Je suis là et en bonne santé. J'avais juste envie d'un peu d'air. Et puis j'ai vu les étoiles ! Ça valait bien n'importe quel effort!

    Boue était allongée sur sa couche dans l'infirmerie et Liu lui faisait la morale depuis une demie heure. Car quand elle avait enfin réussi à rentrer, ils s'étaient croisés devant l'infirmerie, le jeune homme avait faillit avoir une attaque en la voyant debout « dans son état ! ».

    Il finit par se lever en lui recommandant de dormir un peu. Boue s'empêcha de grogner de soulagement en pensant qu'elle allait enfin pouvoir fermer les yeux.

     

    Le lendemain elle allait beaucoup mieux. Elle fut autorisée à se lever. Le médecin lui mit bras en écharpe et lui conseilla de ne pas trop forcer. Selon lui il y avait peu de chances que son bras guérisse correctement mais que si elle le ménageait suffisamment elle pourrait peut-être en récupérer un peu de mobilité. Boue cacha son désarroi en lui promettant de devenir gauchère. Elle sortit et tenta de s'occuper en allant se promener dans la ville. Sous la lumière du jour, même un peu grise les dégâts étaient bien plus visibles. L'armée Atlante ne faisait pas dans la dentelle. En marchant elle passa devant le camp de prisonnier. Elle eut un serrement de cœur et se dépêcha de dépasser leur quartier en se promettant de ne jamais y remettre les pieds. Le soir elle rejoignit le camp,où le repas était servi. Elle prit une assiette et alla s'asseoir dans un coin pour manger. Pour sa plus grande joie elle découvrit qu'elle pouvait bouger légèrement les doigts. Après avoir salué ses compagnons, elle retourna à l'infirmerie. Là le médecin eut un hochement de tête approbateur, bien que légèrement surpris, quand elle lui montra son  « exploit ». Il lui assura que finalement elle avait peut être une chance de retrouver une mobilité presque parfaite à condition qu'elle fasse très attention. Elle se coucha, joyeuse, et s'endormit aussitôt.

    Quand elle se réveilla il faisait nuit noire. Elle se redressa et regarda autour d'elle. Tous les autres blessés dormaient comme des bébés et le médecin ronflait comme un bienheureux. Elle se frotta les yeux de sa main gauche, essayant d'éclaircir sa vision, brouillée par le sommeil. Elle se leva et d'un pas un peu hésitant sortit marcher.

    Elle finit par se retrouver dans le quartier des prisonniers. Les gardes tournaient, un peu plus loin, elle s'approcha de la cage transportable qu'on utilisait pour les prisonniers dangereux et d'où venait des chuchotements. Trois hommes discutaient. Elle s'assit dans l'ombre écoutant leur conversation:

    -Bien sur que non! Fit l'un apparemment gêné, Je n'ai pas envie plus que toi de rester ici. Je dis seulement que sortir de la ville est aussi risqué que de mettre sa tête sur un billot lors d'une exécution.

    -Il suffit juste de passer une porte! Grogna un autre, Tu connais cette ville par cœur! Ne me dis pas que te ne sais pas par où passer!

    -Je sais par où passer, seulement je ne sais pas être invisible devant des gardes!

    -C'est toi qu'on appelle l'espion? Se moqua le troisième, Tu me parais bien peureux!

    -Prudent, serait le mot juste.

    -Ce ne sont que des gardes, pas des espions !

    Boue eut un sourire. Elle se leva silencieusement et s'éloigna. Elle arriva bientôt devant les gardes. Ceux ci la saluèrent et sans se faire beaucoup prier ils commencèrent à parler des prisonniers.

    -Le chef a dit de faire particulièrement attention aux trois du fond, là bas, fit l'un d'eux, ils détiennent, selon lui, de précieux renseignements. Il les interrogera demain. Les autres, toujours selon son point de vue, ne sont que de la piétaille ou des civils. Tout le gratin s'est enfuit et on ne sait toujours pas comment. Il enverra un messager au Duc, demain, pour demander un échange de prisonnier. Parce que nous aussi, on a de la piétaille là bas.

    Boue écoutait avec un sourire attentif, hochant la tête, comme pour ponctuer les paroles des deux gardes. Mais elle réfléchissait à autre chose. Elle savait depuis longtemps qu'un interrogatoire n'était pas une simple discussion. On l'avait initiée à queques unes de ces « techniques » peu de temps auparavant et elle en gardait un souvenir terrifiant. Rien que d'y penser elle frissonnait. Elle observa les deux gardes. L'un des deux portait une clef, celle de la cellule. Il n'y avait que celle là à avoir une serrure encore en état de toute façon. Elle savait qu'elle n'était pas la plus mauvaise pour le vol à la tire. Ils avaient fait des concours sur Ile. Elle se retrouva bientôt en possession de la clef qu'elle dissimula dans son écharpe. Elle s'empêcha de grogner : ce n'était pas pratique de la main gauche.

    -Bon eh bien, fit elle en se levant, je vais retourner me coucher. Bonne nuit messieurs.

    Elle s'éloigna et disparu dans l'ombre. Les deux hommes continuèrent à discuter.

     

    Boue se dissimula près de la cage. Les trois hommes discutaient toujours:

    -D'accord, fit l'espion, je veux bien admettre que c'est possible de sortir de la ville. Mais comment sortira-t-on de la cage?

    Il y eut un blanc, un soupir.

    Boue s'approcha un peu plus, assez pour distinguer le visage des trois hommes dans le clair de lune. Deux d'entre eux étaient très grands, les cheveux long, noirs noué en queue par un lacet. Le troisième était plus petit, plus mince. Si rien qu'a leur stature on pouvait deviner la profession des deux autres, celui là semblait...différent.

    Soudain il fit un signe et Boue fut happé contre la grille avec une force surhumaine. Elle sentit des doigts se refermer sur son cou. La tête commença à lui tourner. Ah non! Pas question de mourir maintenant. Elle leva ses deux bras, dégageant le droit de l'écharpe sans la moindre douleur, attrapa les doigts de l'homme. Celui ci eut un frisson d'appréhension quand il sentit ses doigts commencer à desserrer leur prise sous la main de fer de la jeune femme. Bientôt Boue fut dégagée. Elle sauta hors de portée des doigts de l'homme, se massant la gorge:

    -Eh bien, murmura-t-elle d'une voix rauque, on peut dire que vous n'y êtes pas allé de main morte!

    -C'est mon travail, répondit l'autre en se massant les doigts en tentant de rétablir la circulation dans ses doigts meurtris, mais je ne pensais pas rencontrer quelqu'un avec autant de force. Surtout avec un bras blessé.

    Boue regarda son bras et eut un sourire ravit.

    -La peur donne des ailes, répondit elle, quoique en l'occurrence je ne suis pas sur que je puisse voler.

    L'autre secoua la tête.

    -Qu'est ce que vous voulez? Demanda l'espion d'une voix froide.

    -Un peu de politesse je vous pris, répondit Boue en se massant la gorge un éclair de douleur passant sur son visage, j'ai failli me faire étrangler par l'autre gorille, alors du calme.

    L'autre gorille en question eut un petit sourire devant l'expression de l'espion.

    -Donc, reprit Boue en chuchotant, j'ai quelques informations qui pourrait vous intéresser. Primo, toutes les porte sont gardées, de jour comme de nuit. Secundo, il y a des patrouilles en ville, tertio, elles se relaient toute les quatre heures.

    -Génial, marmonna l'espion, qu'est ce que vous voulez qu'on en fasse?

    -Ce que vous voulez. Ah oui, et j'ai testé la profondeur des douves, je n'atteins pas le fond.

    Elle se redressa sous l'œil stupéfait des trois hommes et déverrouilla la porte, qu'elle entrouvrit:

    -Maintenant, faîtes ce que vous voulez, moi je vais me coucher. Bonne nuit!

    Elle disparut dans les rues sombres de la ville, sans même se rendre compte qu'elle venait de faire exactement ce qu'elle avait refusé le soir précédent.

    -C'est un piège, marmonna l'espion, il n'y a pas d'autre possibilité.

    -Si, fit le gorille, mais je ne les connais pas.

    Il poussa la porte de la grille qui s'ouvrit sans un bruit et sortit. Il jeta un coup d'œil vers les gardes qui discutaient près du feu.

    -C'est bon, chuchota-t-il.

    Les deux autres le suivirent après une hésitation. L'espion prit la tête et les mena sans encombre vers le rempart.

    En plein milieu de l'escalier qui y menait ils entendirent la voix des gardes qui approchaient. Nul coin d'ombre, ils étaient perdus.

    Soudain retentit une voix:

    -Euh excusez moi.

    Le bruit des pas s'arrêta, les trois hommes montèrent rapidement le reste des marches pour se blottir dans l'ombre du mur. Ils écoutèrent la voix qui continuait de parler en bas:

    -Je cherche à retourner à l'infirmerie, mais je crois que je me suis perdue.

    -Ah en effet, fit la grosse voix de l'un des gardes, c'est de l'autre côté.

    Il se tut un instant, les trois hommes supposèrent qu'il lui montrait la direction.

    -Eh bien merci beaucoup, fit la voix de la jeune femme, sans vous je crois que j'aurais passé le reste de la nuit dehors. Je pense que je n'aurais pas bien supporté l'humidité ambiante !

    Il y eut un rire et la marche des soldats reprit, diminua puis s'éteignit au loin. L'espion se redressa doucement et jeta un coup d'œil autour de lui. Il n'y avait personne sur le rempart et personne ne pouvait les voir d'en bas. Il regarda par dessus le mur et frissonna. Il ne pensait pas que se serait si haut. Il sentit la présence de ses deux amis près de lui, sentit également leur appréhension. Il ne fallait pas qu'ils abandonnent maintenant, si près de la liberté.

    -Allez, fit il, c'est le moment de vérité. Elle a dit la vérité, dans ce cas, nous avons toutes les chances de survie, soit elle nous a mentit, on mourra écrasé au fond. Mais je ne vois pas pourquoi elle nous aurait libéré dans ce cas...

    Il prit une grande inspiration, enjamba le parapet. Les deux autre l'imitèrent.

    -A trois, fit le gorille d'une petite voix, un... deux... trois!

    Ils sautèrent et il y eut un grand plouf. Personne ne l'entendit, ou alors personne ne comprit. On peut dire que la chance était là.

    Étourdit par le choc de l'eau l'espion sentit l'air lui manquer alors qu'il n'était pas encore remonté à la surface. Sa vue se brouilla. Non...pas maintenant...pas si près...

    Une grosse main lui attrapa le col et il sentit l'air frais de la nuit sur ses joues mouillées. Le deuxième gorille le tenait par le col, l'entraînait vers la rive, où le premier Gorille commençait à sortir de l'eau. Bientôt ils furent tous les trois sur la rive, toussant et crachant.

    -Ça va aller? Demandèrent les deux soldats à l'espion.

    -Oui, oui, murmura-t-il.

    Il se redressa en chancelant et soutenu par le deuxième ils s'éloignèrent en courant. Au dernier moment le gorille, qui fermait la marche, vit une jeune femme sur le mur qui les regardait s'éloigner. Il la vit lever la main comme un signe, puis disparaître. Drôle de fille.

     

    -Évidemment que tu as mal au bras! Tu te rends comptes? Te balader comme ça dans la nuit alors que tu es blessée! C'est n'importe quoi!

    Liu fulminait devant Boue qui le regardait exaspéré et le médecin qui avait un petit sourire moqueur.

    -Dix contre un qu'il se fait jeter dans moins d'une minute, murmura l'un des blessés qui observait la scène.

    -Je ne prend pas, répondit le médecin hilare.

    En effet, quelques secondes après:

    -C'est bon, t'as fini?

    -Non! Je ne...

    -Si tu n'as pas disparu dans dix secondes je vais te prouver

    -Tu n'y arriveras pas, fit Liu moqueur en haussant les épaules.

    -Pari tenu, fit Boue.

    Et elle commença à compter.

    -Mais dites lui vous qu'elle n'aurait pas du sortir! Fit le garçon en se tournant vers le médecin.

    L'autre haussa les épaules.

    -Quatre, trois deux, un, zéro.

    Liu ne bougea pas, les bras croisé, la défiant du regard. Boue leva les yeux au ciel.

     

     

    Carri bondit en arrière juste à temps pour ne pas prendre Liu de plein fouet. Il passa la tête à l'intérieur et vit Boue qui se tenait debout les deux poing sur les hanches.

    -Eh bien! Tu m'as l'air en forme.

    -On ne peut mieux, fit Boue avec un haussement d'épaule. Derrière elle retentirent les éclats de rire du blessé et du médecin.

    Carri secoua la tête avec une moue mi-amusée, mi-méprisante et entra dans l'infirmerie:

    -Le chef voulait savoir si tu étais assez en forme pour repartir.

    Elle tourna son regard vers le médecin qui hocha la tête.

    -Très bien, fit Carri avec une lueur féroce dans le regard, On part dans une heure, porte Ouest.

    -J'y serais.

    -j'y compte bien.

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 13 Août 2012 à 19:01

    Ouah zut, moi qui venais de publier le mien en me disant que ça te motiverais... me suis faite devancer XD

    Toujours quelques petites erreurs (un mot pour un autre) et des répétitions surgies du remaniement. On voit que tu as parfois coupé et retravaillé une phrase, et du coup les mots se répètent dans la suivante (je pense à "temps" et "eau" au tout début). Pour le reste j'aime toujours autant tes personnages et tes dialogues qui les rendent vraiment vivants. Ils ont  un sens de la répartie terrible, j'adore ! Un plaisir à relire en tous cas, je ne me souvenais plus de cette scène.

    2
    Kiru Loup Profil de Kiru Loup
    Jeudi 6 Septembre 2012 à 16:31

    Bon normalement j'ai corrigé mes fautes. En tout cas celles que j'ai vu. J'ai aussi changé un peu le milieu, car il m'est venu un trait de génie (mes chevilles vont bien merci... ^^) qui m'a fait revoir quelques points de l'histoire. Pour l'instant rien de grandiose juste des petits détails. Mais ça devrait venir si j'arrive à me remettre à écrire!

    3
    Vendredi 7 Septembre 2012 à 21:43

    Allez, je prépare mes chapitres suivants histoire de s'auto motiver. On va y arriver. Je relirais ça à l'occasion, promis.

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