• Non, pas des nouvelles mais des nouvelles. C'est clair non?

    Première nouvelle: Chapitre 12

    Deuxième nouvelle: une newsletter! Parce que je me suis dit que j'écrivais si peu souvent que peut-être les quelques passants seraient contents d'être informés des nouvelles publications.

    Juste au cas où...


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  • Boue repoussa l'idée de frapper le Prince. Mais ce fut de justesse. Elle se força à desserrer le poing, posé sur sa cuisse, sous la table et pinça les lèvres en ce qui pouvait passer pour un sourire poli. Emporté dans son sujet le Prince n'y prêta pas attention. Il aurait probablement dû.


    -C'est incroyable, continua-t-il, que vous en sachiez si peu sur le reste du monde. Que vous apprennent-ils sur Ile ? Il faudra que j'en touche deux mots à l'Impératrice. Il est absolument indispensable que vous compreniez un peu mieux ce qui se passe autour de vous ! A quoi allez-vous servir si tous ce que vous savez faire c'est vous battre ?


    Boue se mordit la langue, pensant que s'ils se mettaient à s'intéresser à la politique l'Impératrice arrêterait de dormir.
    Elle carra les épaules et reposa les yeux sur le livre, ouvert devant elle. Ils étaient installés dans la bibliothèque, froide et poussiéreuse, et s'il n'y avait pas eut le regard compatissant d'Elion depuis son bureau Boue aurait explosé. Mais l'Impératrice avait précisé : « vous lui obéirez en tout ». Et Boue obéissait.
    Elle laissa son esprit vagabonder sur des sujets plus importants, tels que : Luciole s'était-elle déjà fait avoir par le Prince ? Ou, allait-elle sortir en ville une fois que le Prince en aurait fini ?
    Boue eut un soupir de désespoir en réalisant soudain où ses pensées menaient: elle avait vraiment besoin de quitter cet endroit. Ou au moins de retrouver une activité plus familière. Mais elle savait que sa reprise du maniement des armes devaient être encore repoussée.
    Elle était retournée voir l'apothicaire qui lui avait formellement interdit de reprendre une activité physique plus intense que la course à pied avant encore plusieurs semaines. Boue commençait à en avoir sérieusement assez. Elle était déjà au palais depuis six mois, six longs mois à écouter le Prince critiquer ses connaissances et parler de ses conquêtes, nombreuses qui plus est, six mois à ne toucher son épée que pour en vérifier le tranchant et l'accrocher à sa ceinture ou la sangler dans son dos. Elle serra le poing et se leva, interrompant le Prince au beau milieu d'une phrase. Il resta bouche bée devant l'expression furieuse de Boue :


    -Qu'est ce qui vous arrive ?
    -J'ai besoin de prendre l'air.


    Elle sortit dans le couloir et appela un garde :


    -Ne quitte pas le Prince d'une semelle, quoi qu'il fasse.
    -ça y est ? Tu ne le supportes plus ?
    -Je ne l'ai jamais supporté, grogna Boue en réponse.
    Elle partit à grands pas, laissant le Prince stupéfait, debout à la porte de la bibliothèque.

    Elle passa par sa chambre, revêtant un pourpoint plus épais, sa veste de cuir et sa cape avant de sangler son épée par dessus le tout. Elle quitta la pièce.
    Ce ne fut que lorsqu'elle arriva dans la cour d’entraînement qu'elle souffla enfin. Une bruine légère tombait et le froid était encore assez vif malgré le début de printemps. Un groupe de garde s'entraînait et elle sourit en reconnaissant Klaus. Il fit un signe à son partenaire qui s'immobilisa et se dirigea à grands pas vers elle. Il avait grandi depuis la dernière fois qu'elle l'avait vu, et il portait maintenant son épée avec l'air de savoir s'en servir.


    -Boue ! Ça fait longtemps qu'on ne t'a pas vu par ici !
    Il s'arrêta près d'elle, souriant comme un gamin. Elle haussa les épaules:
    -J'ai été plutôt occupée. Je vois que tu commence à savoir te débrouiller avec ça, fit-elle en indiquant l'arme qu'il tenait à encore à la main.
    -Je ne commence pas, je me débrouille très bien avec.
    -Ah oui ?
    -Tu veux que je te le prouve ?
     

    Boue n'eut pas le temps de refuser qu'une autre voix l'appelait :
    -Boue Finylt ! Je me demandais quand tu finirais pas réapparaître. On te dit tellement folle du Prince que je commençais à me demander si ce n'était pas vrai.
    Boue grimaça en se retournant :
    -Général Flinn, toujours aussi délicat dans vos propos.
    -Quel intérêt ? Tu ne t'es jamais montrée très délicate non plus. Tu viens t'entraîner ?
    -Je ne...
    -Boue ! Flinn !
    Elle leva les yeux au ciel quand Kymé accourut, l'air soulagé de les avoir trouvé :
    -Je suis content de vous voir ! Le Prince veut venir s'entraîner.
    Boue eut un gémissement de désespoir qui fit beaucoup rire le général :
    -Allons ! Ton amant ne peut plus se passer de toi ?
    -Ce n'est pas mon amant ! Et si je pouvais lui échapper plus d'une minute ma journée s'en trouverait grandement améliorée !
    Ce fut le tour de Kymé d'avoir l'air désespéré :
    -Moi qui espérais te convaincre de te battre contre lui !
    -Tu as perdu la tête ?
    -Mais c'est une idée génial ! S'exclama Flinn presque en même temps.
    Elle lui lança un regard noir et il eut un grand sourire en lui balançant une grande tape dans l'épaule :
    -Allons ma vieille ! Tu me dois toujours une faveur !
    -Et depuis quand ?
    -Depuis que tu as ruiné mon beau visage avec ton poing.
    -ça ne se voit même pas !
    -Là n'est pas la question.
    Boue le regardait d'un air profondément énervé quand Klaus les interrompit en marmonnant :
    -Quand on parle du loup...
     

    Ils se retournèrent tous d'un bloc pour voir le Prince se diriger vers eux à grands pas. Boue attrapa Flinn par la manche et murmura précipitamment :
    -Je te donne tout ce que tu veux si tu prends ma place.
    Il eut un sourire intéressé :
    -Tout ?
    Elle jura mais après un regard au Prince n'hésita pas une seconde :
    -Tout.
    -Alors tu m'accompagnes boire un verre après ça.
    -C'est tout ?
    Il n'eut pas le temps de répondre. Le Prince s'arrêta près d'eux, son habituel sourire charmeur aux lèvres :
    -Général, Capitaine, Boue. Je ne pensais pas vous trouver tous ici en même temps. C'est un heureux hasard.
    Les sourires faux qui lui répondirent ne semblaient pas trouver le hasard si heureux.
    -Je cherche un partenaire d'escrime, j'ai besoin de me dérouiller un peu. Boue, vous êtes occupée ?
    Kymé lui lança un regard suppliant que Boue ignora :
    -Je ne suis pas d'humeur aujourd'hui. Mais je suis sure que le général Flinn sera ravi de s'entraîner avec vous.
    Flinn lui lança un regard amusé avant de s'incliner légèrement :
    -Si cela convient à votre majesté.
    Le Prince semblait déçu mais il hocha la tête :
    -Très bien. Par quoi commençons nous ?
    Ils s'éloignèrent vers les râteliers et Boue se tourna vers Kymé :
    -Pourquoi cet empressement à l'éviter ? Je ne te savais pas si peureux.
    -Peureux ?
    Il grimaça.
    -Ce n'est pas le cas, c'est juste que je préfère éviter les bleus quand ils n'ont aucune utilité. Cet homme est une brute. Il est impossible à battre et quiconque s'y essaye en ressort moulu. J'espérais que tu pourrais lui tenir tête.
    L'intérêt compétitif de Boue s'éveilla légèrement :
    -Ah ? Eh bien nous verrons la prochaine fois.
    -Pourquoi pas aujourd'hui ?
    -Aujourd'hui je ne suis pas d'humeur.
    Il fronça les sourcils :
    -Tu es toujours d'humeur.
    -Eh bien pas aujourd'hui ! Tu vas me lâcher maintenant ou vais-je devoir aller ailleurs ?
    Il abandonna et se tut. Klaus les observa un instant, surpris de la violence de Boue, avant de se tourner vers le combat qui commençait.
    Flinn était doué, c'était incontestable. Il était même extrêmement doué. Mais le Prince était une bête. Rapide, brutal, il voyait tout, utilisait toutes les faiblesses et ne laissait aucune ouverture. Boue s'agaça, ses poings se crispant dans son envie de prendre la place de Flinn. Elle finit par lâcher un soupir de frustration et tourna les talons.
    -Tu ne regardes pas ? Appela Kymé.
    -Flinn va perdre de toute façon, lança-t-elle par dessus son épaule.
    Elle s'éloigna à grands pas en remontant la capuche de sa cape sur sa tête, dissimulant son visage. Elle traversa la cour et quitta le palais.

    Dès qu'elle quitta le premier cercle elle se retrouva au milieu d'une cohue de gens qui poussaient dans tous les sens, criant, appelant, vendant toutes sortes de choses. Elle acheta un pain à la viande bien trop cher à son goût et le mangea tout en jouant des coudes pour descendre jusqu'au port. Elle tenta de prendre des petites rues parallèles, mais ce jour là, tout semblait bouché. Pourtant ce n'était pas jour de marché, si ? Quand elle arriva enfin sur le port elle était déjà fatiguée, passablement énervée et à moitié trempée. Elle entra dans la taverne habituelle, elle aussi emplie à craquer. Elle se fraya un chemin jusqu'au comptoir. Le patron l'aperçut et s'approcha. Depuis leur première altercation ils étaient presque devenus amis.


    -Qu'est ce qui se passe aujourd'hui ? Demanda Boue d'une voix forte.
    -La foire annuelle. D'habitude ils la font dans la plaine, mais avec les délégations d'Iliens la plaine est déjà recouverte de tentes. Alors ils se sont éparpillés dans la ville. La garde est en train de devenir folle.
    -Il y a de quoi !


    Elle refusa une bière et finit par sortir, étouffant dans la fumée. Le froid extérieur lui mit une claque et elle remonta frileusement sa capuche, regrettant de ne pas avoir pris d'écharpe. Une tape sur l'épaule la fit sursauter et elle se retourna, se retrouvant face à Flinn :
    -Tu m'as laissé tout seul ! L'accusa-t-il.
    Elle le regarda d'un drôle d'air et il se renfrogna :
    -ça va, ne te moque pas.
    -Alors, quel est le résultat ?
    -Comme si tu ne savais pas. Kymé m'a dit que tu avais deviné au bout de quelques minutes.
    Elle haussa les épaules sans répondre. Ils s'écartèrent de l'auberge, optant pour un verre de vin chaud pris à un vendeur ambulant.
     

    -Bon alors raconte moi, fit Flinn en enroulant ses doigts couturés autours de sa chope.
    -Quoi donc ?
    -Pourquoi tu n'as pas mis les pieds sur le terrain d'entraînement depuis ton arrivée ici.
    Elle grogna :
    -J'y ai mis les pieds.
    -Ne joue pas avec les mots.
    -ça ne te regarde pas.
    Il continua d'attendre, les yeux fixés sur elle.
    -Je n'avais pas envie. Je ne suis plus d'humeur.
    -Plus d'humeur, toi ?
    -Tout le monde se fatigue de temps à autre.
    Elle mentait avec une assurance qui frisait la perfection.
    -C'est pour ça qu'ils t'ont envoyée ici ? Parce que tu ne voulais plus te battre.
    -C'est ça.
    Elle voulait s'en aller, il commençait à l'agacer avec ses questions. Elle finit son vin d'un trait, le sentant lui brûler la gorge et réchauffer son estomac.
    -C'est à cause d'Avalon ? J'ai entendu dire que tu avais été blessée là-bas.
    Elle grogna et se dirigea vers le marchand pour reposer sa chope. Elle récupéra une pièce de cuivre et se tourna vers Flinn qui l'avait suivi et le regarda posément :
    -J'ai été blessée, ça se voit il me semble. J'ai risqué ma peau pour une putain de muraille alors je prends des vacances, j'ai le droit il me semble.
    Flinn eut soudain l'air gêné, se rappelant le rôle de Boue pour la prise de la ville. Elle le toisa un instant avant de lâcher :
    -J'ai des choses à faire.
    Flinn hocha la tête et elle disparut dans la foule.

    Elle joua des coudes pour atteindre la porte des faubourgs. Quand elle se trouva enfin de l'autre côté elle fut désagréablement surprise de voir que le flot y était encore plus dense. La foire semblait avoir majoritairement pris place dans ce cercle là et chaque pouce de pavé était recouvert de marchands, d'acheteurs, de passants curieux et de dangereux personnages en tous genres, en plus des habitants habituellement présents. Boue soupira, se glissant le long de la muraille à la recherche d'un passage qui la mènerait vers une taverne qu'elle fréquentait de plus en plus souvent. La foule qui la pressait de part en part la rendait de plus en plus nerveuse. Elle serra les dents, tentant de calmer ses mains qui tremblaient. Trouvant enfin un peu d'espace elle s'arrêta un instant, la respiration rapide, le cœur battant.


    Une main se posa sur son épaule.


    Elle pivota vivement, saisissant le poignet et le tordant férocement. Une exclamation de douleur lui répondit et elle lâcha brusquement la main.
    -Rif !
    Il se frotta le poignet en grimaçant :
    -Salut. Je vois que tu ne perds pas le rythme.
    -Qu'est ce que tu fais ici ?
    -Quoi ce n'était pas moi que tu venais voir ?
    -Comment voudrais-tu que je vienne te voir, je ne sais jamais où tu es ! S'écria-t-elle avec colère.
    Il la regarda d'un air surpris. Sa capuche était tombée, entraînant son chignon qui s'était déroulé, éparpillant des épingles sur son col, laissant ses cheveux s'emmêler autour de son visage. Elle était rouge de fureur, sa poitrine se soulevant à une rythme rapide. Ses mains s'étaient serrées en deux poings et tremblaient violemment. En fait elle tremblait de tout son corps.
    -Boue ?
    -La ferme !


    Elle ferma les yeux. Elle le sentit s'approcher et ses deux bras musclés l'entourèrent, la pressant contre son torse. Boue se raidit un instant, essayant d'échapper à cette étreinte de fer. Mais il ne bougeait pas et épuisée elle abandonna. Elle enfouit son visage dans le cou de l'homme, agrippant son épaisse tunique de laine de ses deux mains. Elle le sentit resserrer son étreinte, bloquant ses épaules, faisant cesser ses tremblements. Il était chaud, tranquille, puissant. Elle sentait son odeur, étrangement familière, un mélange de sueur, de fumée, de cheval. Elle respira profondément, s'imprégnant de cette rassurante sensation. Il lui caressa doucement le dos et murmura à son oreille, la faisant frissonner :
    -ça va mieux ?
    -Je déteste cette ville.
    Sa voix était étouffée par les plis de la cape qu'il portait. Il desserra légèrement son étreinte et elle releva la tête. Il la regarda un instant en souriant. Il saisit délicatement son menton d'une main et l'embrassa. Ce n'était pas un baiser sexuel, ni même tendre. C'était un baiser chaud, vivant, plein de force et de sang. Elle sentit le goût métallique sur ses lèvres et ne sut pas si c'était le sien ou celui de Rif. Elle oublia la rue et les gens, oublia la ville, la pluie et le froid. Elle avait chaud, elle était bien, elle était à sa place.


    Au bout d'un long moment il redressa la tête et la regarda. Elle avait les yeux fermés, la bouche légèrement entrouverte. Ses joues étaient rouges et il pouvait voir sa gorge palpiter. Il laissa doucement glisser son pouce sur la marque de sa joue, appréciant la rugosité de la cicatrice et essuya la sang sur sa lèvre. Elle ouvrit les yeux, les vrillant dans les siens. Ses yeux rubis d'une profondeur incroyable.
    -Alors ? Demanda-t-il avec un sourire ironique, Mieux que le Prince ?
    Elle eut l'air si choquée qu'il éclata de rire. Elle s'écarta brusquement, resserrant les pans de sa cape, remontant sa capuche sur sa tête, dissimulant son visage.
    -Tu sais très bien que je n'ai pas couché avec le Prince, fit-elle d'une voix rauque.
    Il haussa un sourcils amusé, enfonçant les mains dans ses poches, s'adossant au mur.
    -Je sais, mais c'est tellement drôle à entendre. Est ce parce qu'il n'est pas intéressé, ou parce que toi tu ne l'es pas ?
    -Un peu des...
    Elle s'interrompit et lui lança un regard furieux :
    -Je n'aurais pas cette conversation avec toi !
    Il sourit et l'attira vers lui, la serrant brièvement dans ses bras avant de la relâcher et de se redresser :
    -Il faut que j'y aille, des petites choses à régler avant de quitter la ville.
    Elle hocha la tête et il eut un dernier sourire, lui caressant doucement la joue avant de s'éloigner d'un pas rapide, disparaissant dans la foule. Elle resta un instant immobile, pensive, avant de hausser les épaules et de reprendre sa route en direction de la taverne. Une bière était nécessaire pendant une journée comme celle là.

    La taverne était étonnamment pleine et elle eut du mal à se frayer un chemin jusqu'au comptoir. Le patron la servit sans une mot, il commençait à la connaître depuis le temps qu'elle venait ici, et elle observa un instant la pièce sombre et enfumée pour tenter de trouver une place.
    Elle fronça les sourcils : plus loin, assis dans un coin sombre se tenaient deux hommes qu'elle aurait préféré ne jamais revoir. Et ils la regardaient avec le même air. Ils s'observèrent un moment, Boue accoudée au bar, sirotant sa bière d'un air froid, les deux hommes assis à leur table, d'apparence détendue, les jambes croisées, adossés à leurs chaises. Ce ne fut que lorsqu'un troisième homme apparut près de leur table qu'ils semblèrent soudain s'inquiéter. Ils désignèrent Boue d'un signe de tête et l'homme se retourna. Il eut une expression amusée en apercevant Boue et lui fit signe de les rejoindre. Elle grogna mais s'approcha. Arrivant à leur hauteur elle soupira :
    -Je dois dire que je ne suis pas particulièrement heureuse de vous voir. Qu'est ce que vous fichez à Atlantide ?
    -La foire, répondit l'espion en lui montrant une chaise.
    Elle s'assit, posant sa chope sur la table.
    -La foire ?
    -Un bon moyen de rentrer en ville, expliqua l'un des gorilles. Et les faubourgs sont le meilleur endroit pour trouver du travail dans ce maudit pays.
    Boue le toisa un instant avant d'abandonner.
    -Vous ne vous êtes jamais présentés, fit-elle.
    -Toi non plus.
    -Boue.
    -Kirk, fit le premier gorille.
    -Afor, fit le deuxième.
    L'espion ne disait rien et Kirk soupira :
    -Et lui c'est Elza, mais il ne l'avouera jamais.
    Elza lui lança un regard meurtrier que le gorille ignora.
    -Pourquoi ne pas avoir quitté l'Empire ? Demanda Boue, qu'est ce que vous fichez depuis tout ce temps ?
    -Oh, on vivote. Des petits boulots par ci par là. L'avantage d'avoir été membre de l'Empire pendant longtemps c'est que notre accent passe inaperçu. Comme le tien d'ailleurs. Tu le tiens d'où ?
    -Le Nord. Mais pourquoi ne pas être partis ? Insista-t-elle, Il y a tellement d'endroits où vous pourriez être !
    -Comme la Demi-ville ? Fit l'espion, On y a pensé, mais on s'est dit que le climat y était trop sec à notre goût. Et puis on a entendu cette rumeur.
    Boue attendit qu'il termine mais son attention avait été prise ailleurs. Elle tourna les yeux vers la porte, suivant son regard et aperçut Rif, qui fendait la foule dans leur direction. Elle regarda l'espion, il semblait inquiet.
     

    -Je connais cet homme, murmura-t-il.
    Les deux gorilles semblèrent soudain nerveux. Boue les regarda d'un air surpris :
    -Comment ça vous le connaissez ?
    -On a eut quelques difficultés il y a quelques temps. Je ne pensais pas que c'était lui notre contact.
    -Quel contact ? De quoi vous parlez ?
    -Tu devrais partir, mieux vaut qu'il ne te rencontre pas.
    -C'est un peu tard pour ça, fit Rif, surprenant la fin de la conversation.
    Boue secoua la tête, soudain de mauvaise humeur :
    -J'aimerais bien que quelqu'un m'explique ce qui se passe ici.
    Ce fut Kirk qui, comme toujours, se chargea de ça pendant que Rif se trouvait une chaise et les rejoignait à table.
    -Avant que Heiye ne tombe nous étions en contact avec un homme qui nous donnait des informations sur l'Empire et ses mouvements de troupes.
    Boue lança un regard amusé à Rif qui eut la bonne grâce de paraître gêné.
    -On ne le connaissait que sous le nom de Le Noir, poursuivit Kirk, mais nous avons fini par faire le lien avec le tueur connu sous le nom de La Chance. Tu as probablement entendu...
    -Oui, oui, abrégea Boue, passe à la partie où il devient votre contact.
    -Eh bien il y a quelques mois une rumeur a commencé à circuler disant qu'une troupe importante de mercenaire recrutait pour un contrat dans l'Est. Nous avons réussi à rejoindre un groupe qui se rendait à l'enrôlement. Là-bas on nous a dispersé pour rejoindre plusieurs postes d'observations. Nous avons été envoyé à Atlantide où nous devions rencontrer notre contact.
    Boue se tourna vers Rif, le regard interrogateur. Il haussa les épaules :
    -Ils payent bien dans l'Est, et je n'ai pas grand chose à faire en ce moment.
    -Bien sur. Et tu comptais me dire quand que tu travaillais pour les Dissidents ?
    -J'espérais ne pas avoir à le faire.
    -Attendez, attendez, interrompit Elza. Vous vous connaissez ?
    Rif tourna un regard impatient vers l'homme qui sembla soudain légèrement effrayé.
    -C'est une longue histoire. Je l'ai rencontrée il y a longtemps, on est resté en contact.
    -Rif.
    Il regarda Boue d'un air sombre mais le regard froid de Boue ne baissa pas d'un millimètre. Afnor se pencha vers son compagnon :
    -Pas étonnant qu'elle soit si effrayante: ils sont pareils.
    Kirk hocha la tête, avala avec difficulté. Il espéra un instant qu'ils ne feraient pas d'esclandre.
    -Qu'est ce que tu veux savoir ? Demanda finalement Rif à contre cœur.
    -Qu'est ce que tu peux me dire ?
    Il haussa les épaules :
    -Sans trahir mon contrat ? Peu de chose que tu ne saches déjà.
    -Alors fais un effort.
    Il fit claquer sa langue, énervé et Boue pinça les lèvres.
    -Il y a un contrat sur ton Prince.
    Boue resta silencieuse, seul ses pupilles dilatées indiquaient sa surprise.
    -Je ne l'ai pas pris, si ça peut te rassurer, mais je sais que quelqu'un est en route pour ça.
    -Pourquoi lui ? Pourquoi pas l'Impératrice ?
    -Parce que si elle meurt le conseil prend le pouvoir, ce n'est pas ce qu'ils veulent. Ils veulent la forcer à obéir et quoi de mieux que lui montrer la vulnérabilité de son palais ?
    -Je croyais qu'ils voulaient le pouvoir.
    -Chaque chose en son temps.
    -Et ils recrutent une armée.
    Rif hocha la tête, vérifiant pour la douzième fois, au moins, que personne n'écoutait leur conversation.
    Boue venait de faire la même chose. Ainsi qu'Elza, Afnor et Kirk.
    -Dans quel but ?
    Il haussa les épaules :
    -Qu'est ce que j'en sais ? Prendre Atlantide ? Moyen de pression ? Simple protection ? Je ne suis pas autant dans leur petits papiers.
    -Qui est leur chef ?
    -Aucune idée. Pas le seigneur que tes copains surveillent en tout cas.
    -Ils sont déjà au courant.
    Ils restèrent un instant silencieux et Boue finit par secouer la tête.
    -Très bien.
    Elle se leva et se tourna vers les trois autres :
    -Si j'étais vous j'irais reprendre ce contrat et louer mes services ailleurs. Si je vous recroise ici je corrigerais l'erreur que j'ai faite il y a quelques années.
    Ils acquiescèrent et Boue tourna son regard sombre vers Rif qui n'avait pas bougé.
    -Merci.
    Il sourit, toute trace de colère envolée. Ils restèrent un instant à s'observer, loin de toute considération politique. Boue secoua la tête, sans pouvoir s'empêcher de sourire à son tour.
    -Je te retrouve à mon retour. Fais attention à toi.
    -Toujours.
    Elle quitta la taverne sans un regard en arrière.

    Quand, la nuit tombée, Boue rejoignit enfin sa chambre elle fut soulagée et déçue de voir que Luciole ne s'y trouvait pas. Elle ne s'en étonna pas vraiment. Les rumeurs lui avaient bien fait comprendre que le Prince avait obtenu ce qu'il voulait.
    Malgré tout quand elle ouvrit la fenêtre elle eut un choc. La nuit était trop noire pour qu'elle puisse véritablement détailler les jardins, mais elle entendait le bruit de l'eau. Une fontaine, probablement. Des pas crissaient dans les allées et des odeurs de fleurs montaient jusqu'à sa fenêtre. Elle pouvait voir la tour Princière en se penchant légèrement et alors qu'elle s'apprêtait à refermer la vitre elle remarqua la lumière provenant de l'un des appartements. Une fenêtre était ouverte et elle découvrit que la figure qui s'y appuyait n'était autre que Luciole, vêtue d'à peine une chemise. Elle ne se recula pas suffisamment vite pour échapper à la vision du Prince enlaçant l'éclaireur.


    Boue referma la fenêtre. Elle resta un instant immobile, la main sur la vitre. Elle pinça les lèvres, tentant d'oublier le pincement dans sa gorge et son pouce vint légèrement caresser son dé à travers le tissu de sa chemise avant de se resserrer en un poing rageur. 


    4 commentaires
  • Hum...

    Chapitre 11!

    Malgré mon inactivité de ces derniers temps je suis encore là (enfin plus ou moins)! Je vais essayer de publier un peu plus mais je ne promets rien (comme d'habitude)

    Enjoy!


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  • Boue poussa la porte des appartements du Prince, un pli de mauvaise humeur barrant son front. Assis dans un fauteuil, une jambe par dessus l'accoudoir, il leva les yeux de son livre avec un air inquiet :

    -Qu'est ce que j'ai encore fait ?

     Boue lui lança un regard assassin :

     -A part m'envoyer courir après un conseiller qui est parti il y a deux semaines, chercher un livre que vous avez déjà et délivrer votre courrier très personnel, vous voulez dire ?

    Il eut la bonne grâce de paraître gêné et resta un instant silencieux avant d'agiter son livre :

     -Les Histoires du Monde. Voulez vous que je vous lise le passage dont nous parlions ?

     Boue fit la moue avant de soupirer :

     -Maintenant que je suis là.

     Elle s'adossa au mur, près de la fenêtre et croisa les bras. Le prince rouvrit son livre, cherchant la page et s'installa plus confortablement avant de commencer sa lecture :

     -La cité-état de Lish est rapportée comme étant la première à avoir possédé un corps d'armée spécial et très indépendant nommé Erissen. Les Erissen sont un peuple originaire du Désert entourant la cité et ne dépendent d'aucun état connu. Réputés voyageurs, les hommes et les femmes du désert le parcours depuis leur naissance, ce qui leur donne un lien particulier avec ce dernier. Capable de retrouver leur chemin même au milieu d'une tempête , insensibles aux poisons des diverses fleurs poussant sous le sables, ils n'ont que de contact avec le monde extérieur. Des légendes courent sur quelques personnages très particuliers de ce peuple, maitrisant le vent, les tempêtes, ou le sable lui même. Les Erissens sont présumés dépendre du désert pour leur survie, ne pouvant le quitter plus de quelques mois et ne pouvant mourir ni ailleurs, ni dessus.

     Le Prince leva les yeux vers Boue. Elle avait les yeux dans le vague, écoutant son discours avec attention. Ses cheveux étaient seulement tressés ce matin là, tombant dans son dos en une longue tresse brune. Des mèches s'étaient échappées et encadraient son visage songeur. Elle avait un air tranquille, presque apaisé si l'on oubliait ses mains crispés et les cicatrices sur ses doigts et bien sur la grande ligne rose qui barrait sa joue. Une femme étrange. Elle tourna le regard vers lui et haussa les sourcils, un petit sourire aux lèvres :

     -Ce n'est pas logique. Comment peuvent-ils ne pas pouvoir mourir ni en dehors du désert, ni dedans ?

     Le Prince sourit :

    -ça fait parti de la légende. Même à Lish on ne sait pas grand chose de plus.

    -Je croyais qu'ils étaient dans l'armée ?

    -Plus ou moins. D'après ce que j'ai entendu dire ils sont beaucoup moins indépendants maintenant, depuis la mort de leur chef. Mais avant il était impossible de les embaucher, de les payer pour faire quoi que ce soit. Ils ne faisaient que ce qu'ils voulaient et même leur chef n'était qu'un... guide en quelque sorte. Mais c'était il y a longtemps.


    -Que s'est-il passé ?

    Boue avait les yeux brillants de curiosité et il eut un sourire amusé :

    -Leur chef est mort, se dépérissant d'amour selon la légende.

    Boue eut une moue dubitative mais ne fit aucun commentaire. Le Prince reprit sa lecture :

    -Le corps des éclaireurs Atlante est directement inspiré de ce peuple. La légende veut que l'Empereur Adirin le Grand, impressionné par la puissance de ces soldats demanda la création d'une force d'élite, capable de se confronter à ces Erissen et d'en ressortir indemne. Ses conseillers militaires réunirent les meilleurs soldats de toute l'armée, d'anciens rebelles du Nord et de l'Est à qui ils promirent l'anmistie s'ils formaient de jeunes soldats à l'art de la guerre. Personne ne sait si ces hommes ont survécu pour profiter de cette offre, mais le corps des éclaireurs est maintenant considéré comme le plus puissant de toutes les armées voisines de celles de l'Empire.

    Boue avait froncé les sourcils, agacée par un souvenir qu'elle n'arrivait pas à replacer. Le Prince la regarda d'un air inquiet :

    -ça va ? Vous semblez troublée.

    Elle haussa les épaules :

    -Ce n'est rien.

    Elle tourna un regard acéré vers le Prince qui s'était levé pour reposer le livre sur une pile déjà haute :

    -Vous ne prouvez absolument rien avec ce texte.

    -Comment ça ? Il est clairement dit que les Eclaireurs ont été créés d'après les Erissens.

    -Ils se sont inspirés des Erissens, mais il n'y aucun lien de plus. Les Erissens sont un peuple indépendant, les éclaireurs ne sont qu'un corps d'armée formé de personnes venant de tout l'Empire. Nous n'avons aucun pouvoir magique.

    Kahn sourit à demi :

    -Pourtant certaines légendes courent sur Avalon...

    Boue ignora l'allusion. Depuis trois semaines il essayait de lui faire avouer ce qu'elle savait sur le siège de la ville et jusqu'ici n'avait pas réussi. Mais Boue doutait qu'il ignora quoi que ce soit dans l'Empire. Cet homme était diabolique.

    -Dites moi, n'avez vous pas vu ma belle Ilienne ce matin ?

    Boue lui lança un regard assassin :

    -Vous me posez sérieusement la question ?

    -Je suis toujours sérieux.

    -C'est bien ce que je craignais.

    -Alors ?
    -Eh bien non, je n'ai pas croisé votre amante depuis hier soir quand elle vous a rejoint. Pourquoi ? Vous manque-t-elle déjà ?

    Il grimaça :

    -Elle n'est pas restée hier soir. Nous avons eu un petit différent.

    -Vous n'êtes pas en train de me parler de vos histoires de cœur j'espère.

    -Savez vous qu'elle me reproche de passer trop de temps en votre compagnie ?

    Boue éclata de rire :

    -Vous n'êtes pas sérieux.

    Le Prince se rassit, amusé :

    -Très sérieux. Elle m'a dit que j'étais incapable de passer plus de deux heures d'affilé en compagnie d'une femme sans avoir envie de me... hum... rapprocher d'elle et que je parvenais toujours à mes fins.

    Boue leva les yeux au ciel :

    -D'où votre différent. Elle ne vous a pas cru quand vous lui avez dit la vérité ?

    -Hélas non. J'aurais dû essayer de lui dire le contraire, peut-être aurait-elle apprécié ?

    Boue le dévisagea d'un air peu amène et il éclata de rire :

    -Ne vous en faites pas, rien que l'idée de m'attirer vos foudres m'empêcherait de poursuivre une telle action.

    -Mais vous cherchez quand même à la revoir ?

    Il eut l'air étonné :

    -Moi ? Bien sur que non, elle est ennuyeuse à mourir. Non je voulais savoir si elle vous en voulait toujours autant ou si elle avait finit par comprendre.

    -Si je meurs empoisonnée, je n'aurais pas chercher l'origine c'est ça ? Merci du cadeau.

    -Ah je viendrais sauver ma bien-aimée !

    Boue avala de travers :

    -... garde du corps ! Acheva-t-il précipitamment.

    -Vous êtes un homme désagréable, j'espère que vous vous en rendez compte.

    -Parce que je préfère séduire les femmes que les garder, je suis forcément désagréable?

    Boue eut un grognement et se redressa :

    -Je crois que je préfère encore monter la garde dehors.

    Elle se dirigea vers la porte mais il s'interposa en un bon souple et élégant :

    -Ne soyez donc pas si susceptible. Restez.

    Il eut un sourire, comme s'il ne pouvait s'empêcher d'ajouter :

    -Si vous sortez tout le monde croira que nous avons eut une querelle d'amoureux.

    Boue afficha une expression si meurtrière que le Prince eut un mouvement de recul, presque certain qu'elle allait le frapper.

    Elle en aurait été extrêmement envie, si ce n'était l'idée gênante qu'il avait probablement raison : la rumeur avait du s'enfler au point de la mettre dans le lit de l'homme irrésistible. Il la regardait d'un air interrogateur, attendant qu'elle lui fasse part de ses réflexions.

    -Vous pensez vraiment que la rumeur m'a mise dans votre lit ? Demanda-t-elle avec une grimace, s'attendant au pire.

    Il soupira en s'écartant, retournant près de la cheminée qui dispensait une agréable chaleur dans cette matinée de fin d'automne.

    -Vous n'y aviez pas réfléchi avant ? La rumeur court depuis plusieurs jours déjà. Depuis cet épisode dans les écuries.

    Boue se mordit les lèvres, ne se rappelant que trop bien le moment où le Prince l'avait écartée des sabots d'un cheval emballé, la façon dont ses mains s'étaient un peu trop attardées sur sa taille... et le regard sans équivoque des garçons d'écuries.

    -Vous en avez fait exprès j'imagine, fit Boue sans aucune rancoeur.

    Elle ne faisait que constater un fait auquel elle s'était rapidement habitué : malgré son apparente désinvolture le Prince ne faisait jamais rien au hasard. Et c'était un manipulateur hors pair.

    Il eut un grand sourire en se retournant vers elle :

    -Bien sur. C'est tellement plus drôle de vous avoir pour amante fictive qu'en simple garde du corps. Et puis cela nuirait à ma réputation si tout le monde savait comme vous restez de marbre face à mon charme.

    Boue leva les yeux au ciel et changea de sujet :

    -Vous ne deviez pas rencontrer vos conseillers ce matin ?

    -Si. Ils ne devraient d'ailleurs plus tarder.

    -Vous ne les recevez pas dans votre bureau ?

    -Si bien sur. D'ailleurs nous y allons. De quoi j'ai l'air ?

    -D'un homme sans chemise ?

    Il baissa les yeux, semblant seulement remarquer la tenue légère dans laquelle il se trouvait.

    -Vous ne pouviez pas le dire plus tôt !

    Il se précipita vers une porte dissimulée dans les boiseries et l'ouvrit brusquement pénétrant dans sa chambre à grands pas :

    -Venez m'aider à choisir ! Appela-t-il, Je n'y arriverais jamais en si peu de temps.

    -Vous êtes le Prince, lui rappela-t-elle en s'approchant de la porte, Vous n'avez pas besoin de vous presser !

    Il apparut de derrière une porte de placard, un veste bleu sombre à manches longues et une chemise blanche à col haut à moitié enfilée :

    -Vous n'y connaissez vraiment rien, n'est ce pas ?

    Boue se renfrogna, légèrement vexée.

    -Ces hommes sont pires que des mercenaires ! Si je ne suis pas à la hauteur ils iront vendre leurs services ailleurs ! Nous serions alors obligés d'employer les grands moyens pour ne pas qu'ils aillent vendre les secrets du palais au plus offrant.

    Boue soupira et s'appuya au chambranle de la porte, croisant les jambes.

    -Dans ce cas vous devriez vous dépêcher, fit-elle d'une voix moqueuse.

    Il lui renvoya un regard noir et, posant la veste sur une chaise, entreprit de mettre correctement sa chemise. Puis il enfila rapidement sa veste et la boutonna en revenant vers Boue :

    -ça ira ?

    Boue eut un petit sourire :

    -Vous feriez mieux d'attacher vos cheveux si vous ne les coiffez pas.

    Il soupira et attrapant un ruban argenté le lui tendit :

    -Tressez les pendant que je finis de boutonner cette maudite veste.

    Boue obéit, tressant avec la rapidité de l'habitude les beaux cheveux blonds du Prince.

    -C'est bon, fit-elle en finissant de nouer le ruban.

    Il se retourna vers elle et lui sourit un instant. Elle ne put s'empêcher d'y répondre et aurait juré que s'ils n'étaient pas déjà si en retard, la rumeur aurait trouvé quelques fondements. Elle fut soulagée de le voir se détourner pour marcher à grands pas vers la sortie. Elle le dépassa pour lui ouvrir la porte et il s'avança dans le couloir si rapidement que Boue dû presque courir pour le rattraper. Elle se rendit compte qu'il n'avait pas cessé de parler et dû faire un effort de réflexion pour comprendre de quoi il retournait :

    -...tellement susceptibles que j'ai parfois l'impression d'être à leur service plutôt que eux au miens. Cela m'oblige à le leur rappeler et j'ai horreur de ça.

    Mais à voir l'expression de joie moqueuse qui s'affichait sur son visage Boue douta de cette affirmation.

    Ils arrivaient devant le bureau. Une porte de bois teint d'une couleur bleutée avec une poignée en feuille. Le Prince la déverrouilla et entra, laissant Boue refermer derrière elle. Elle alluma quelques bougies supplémentaires et raviva le feu tandis que le Prince s'installait à son bureau avec précipitation, éparpillant des papiers d'un air affairé. On frappa à la porte. Boue se détacha de l'agréable chaleur de la cheminée pour aller ouvrir. Trois hommes se tenaient devant elle, l'air suffisant. D'âge moyen, ils étaient vêtus de pantalons moulants montant jusqu'à la poitrine surmontés de chemises bouffantes, brodés de motifs aux couleurs vives plus ou moins abstraits. Des vestes de tissus rouge sans manche et des souliers à boucles luisants complétaient cette tenue. La veste longue et bleue du Prince semblait étrange en comparaison. Elle les toisa quelques secondes avant de s'écarter pour les laisser entrer. Ils ne lui accordèrent pas un regard en la dépassant et elle referma silencieusement la porte derrière eux. Ils avancèrent jusqu'au bureau et s'inclinèrent très bas sous le regard perçant du Prince qui souriait toujours. C'était étonnamment effrayant.

    -Conseillers.

    Les trois hommes s'entre-regardèrent, mal-à-l'aise devant le manque de volubilité de leur seigneur. Le plus âgé s'avança légèrement et s'éclaircit la gorge. Brun, les cheveux courts lissés en arrière, il était grand et sec. Son visage sévère était plissé en un froncement mécontent.:

    -Hum... votre impériale majesté, commença-il, j'ai ici des rapports inquiétants sur les seigneurs de l'Est. Ils s'insurgent de l'augmentation des impôts de cette année. Ils disent qu'ils ont déjà suffisamment payé des guerres qui ne les concernent pas.

    -Rappelez leur que tout ce qui concerne l'Empire les concerne. Utilisez les formules de menaces habituelles et faîtes leur bien comprendre que tout impayé aurait des conséquences désastreuses sur leurs vies tranquilles.

    Le plus jeune des trois hommes, un roux à la peau pâle et aux yeux verts, prenait rapidement des notes. Une aura d'efficacité l'entourait.

    -Nous avons également des nouvelles des pirates qui ont ravagé la côte Ouest, votre majesté, la flotte Ilienne les a abordés au large de leur Ile principale et nous a fait gracieusement parvenir la tête de leur chef.

    -Remerciez les en bonnes et dues formes et ajoutez une invitation à l'anniversaire Impérial. Ils ne l'accepteront pas, mais nous nous devons de proposer.

    -Nous avons des nouvelles des Dissidents.

    Le Prince se pencha en avant, soudain très intéressé.

    -Et ?

    -Nous craignons que le seigneur en question ne soit qu'un leurre. Nos agents sur place sont quasiment certain que ce n'est pas lui qui gère le mouvement.

    -Vous disiez que les messages provenaient de son château pourtant.

    -C'est ce que nos agents ont rapporté et ils en sont toujours persuadés. Mais le seigneur ne serait pas impliqué à un très haut niveau.

    -Bon. Continuez les recherches. Qu'en est-il de la piste du Palais même ?

    -Nous sommes encore loin, majesté. Les messagers que nous avons interceptés sont morts avant que nous n'ayons pu obtenir quoi que ce soit.

    -Et les messages ?

    -Intranscriptibles. L'eau en a gâché une grande partie et le reste est codé.

    Le Prince afficha une expression mécontente mais n'ajouta rien.

    -En revanche nos équipes dans la demi-ville semblent confiantes, fit le troisième homme sur un signe insistant du premier conseiller. Lish est peu présente dans cette région mais semble avoir beaucoup de relations avec les nomades.

    -Et comment va mon frère ?

    Le ton était froid et le premier conseiller hésita avant de répondre :

    -Aux dernières nouvelles il assistait à une rencontre avec les Erissen.

    Le Prince pinça les lèvres et hocha la tête.

    -Je vous remercie. Autre chose ?

    -Nos agents du Nord demandent s'ils doivent continuer les recherches pour les traitres. Ils n'ont rien trouvé depuis des années maintenant.

    -Non, ce n'est plus nécessaire. S'ils ne sont pas morts ils doivent être trop isolés pour poser problème. Faites les revenir au palais avant de les renvoyer en mission, je veux des retours en personne.

    -Bien majesté.

    Le Prince les dévisagea en silence, sans expression. Boue s'était adossée au mur, les bras croisé et observait la scène avec quelque amusement.

    -Vous n'avez rien à ajouter ? Finit par demander le Prince.

    Les deux conseillers ne levèrent pas les yeux quand le premier répondit :

    -Non votre majesté.

    -C'est bien dommage. Et vous Thomas ? Vous ne semblez pas être d'accord avec vos aînés.

    Le jeune homme eut droit à un regard mauvais des deux autres mais ne sembla pas s'en émouvoir.

    -La Chance a été vue il y a peu, et comme à son habitude des ravages ont suivi.

    -ça n'a pas grand intérêt pour sa majesté, fit sèchement le premier conseiller.

    -Au contraire, interrompit le Prince d'une voix froide, continuez je vous prie.

    -La bataille s'est déroulée il y a moins d'une semaine, dans une petite ville un peu plus bas sur la côte. Nous ne savons toujours pas ce qui a pu provoqué le combat, mais seuls trois gardes ont survécus de la garnison de soixante qui était postée là-bas.

    -Je n'apprécie pas le savoir si près de nous. Toujours aucune description de son aspect j'imagine ?

    -Non, majesté.

    -Avez-vous une idée de ses allégeances actuelles ?

    -Pour autant que je le sache, il vend son arme au plus offrant et je crains qu'en ce moment vos opposants n'aient ce privilège.

    Le Prince grimaça :

    -c'est facheux. Mais j'imagine qu'on ne pouvait pas l'empêcher. Il semble travailler pour tout le monde sauf l'Empire, c'est terriblement ennuyant.

    Le jeune homme eut la délicatesse de ne pas répondre, mais tout le monde connaissait la rumeur : la Chance n'aimait pas l'Impératrice et elle en était déçue.

    -Autre chose ?

    -Pas pour le moment votre majesté.

    -Bien, vous pouvez disposer. Quant à vous, ajouta-t-il en tourna un regard froid vers les deux autres, j'espère que vous ferez mieux dorénavant. Pour votre propre confort.

    Ils ne se le firent pas dire deux fois et après une courbette à se racler le nez sur le tapis ils sortirent, presque sans se bousculer.

    La porte une fois refermée Boue tourna les yeux vers le Prince et remarqua :

    -Vous avez une étrange manière de les maintenir dans vos bonnes grâces.

    Il haussa les épaules :

    -Je suis le Prince Consort. Ce n'est pas une bande de petits gratte-papiers qui va m'empêcher de faire ce que je veux.

    Boue leva les yeux au ciel :

    -Vous êtes d'une inconstance tellement prévisible que s'en est décevant. Pourquoi les garder s'ils sont si inutiles ?

    -Ils ne le sont pas. Ils ont juste besoin d'un peu de motivation.

    Il prit une pile de papiers laissée par un secrétaire un peu plus tôt dans la matinée et se mit à les examiner. Boue s'étira lentement et se perdit dans ses pensées.

    Rif avait encore fait des siennes. Il était étrange qu'elle n'entende pas parler de lui plus souvent. Elle avait parfois l'impression qu'il sortait de son trou uniquement pour s'assurer que sa réputation était toujours intacte.

    Elle n'entendit la voix du Prince que lorsqu'il répéta son nom d'une voix insistante :

    -Boue !

    -Hum ? Oh, pardon majesté.

    Elle eut un air gêné qui le fit sourire :

    -Je vous demandais ce qui pouvait bien vous absorber autant. Vous dormiez ?

    -Non, je réfléchissais.

    -A quoi donc ?

    Boue s'empêcha de jurer.

    -A... votre frère.

    Il s'assombrit.

    -Que voulez vous dire ?

    -Je me demandais pourquoi vous preniez tant à cœur le fait d'avoir des informations à son sujet. Vous semblez le détester bien au delà de ce que la rumeur raconte.

    -La rumeur est rarement vraie, comme vous avez pu le constater à vos dépends.
    Sa voix était légèrement sèche, mais il ne semblait pas en colère contre elle. Intriguée malgré elle, elle poussa un peu plus loin.

    -Vous semblez haïr l'Impératrice en sa présence et l'aimer malgré tout lorsqu'elle n'est pas là pour en témoigner. Vous semblez détester votre frère en public et malgré ça...

    -Vous êtes bien curieuse aujourd'hui.

    Sa voix avait fraîchi. Boue haussa les épaules :

    -Je ne vous demande rien. Je m'interrogeais en silence, vous avez voulu savoir le fond de mes pensées.

    Il eut un sourire un peu désabusé :

    -La plupart des gens mentent pour répondre à ce genre de question.

    A qui le disait il.

    -Vous n'êtes vraiment pas faite pour vivre à la cour, fit le Prince d'un air songeur, les gens ne cesseraient d'essayer de vous tuer et, n'y arrivant pas, ils essayeraient de vous corrompre.

    -Ce serait une vie fatigante, fit Boue en grimaçant, et salissante.

    Il éclata de rire et changea de sujet.

    -Que diriez-vous d'aller à la bibliothèque ? J'aimerais vous intéresser au Lishâ.


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  • Bonjour!

    Comme les derniers survivants fréquentant ce blog paresseux l'auront remarqué, je n'ai pas été très productive ces derniers temps (même eklablog me l'a fait remarquer, c'est dire) et je me suis dit que je vous devais une explication. Après tout vous faites l'effort de venir jusqu'ici. Enfin peut-être. C'est même pas sur d'ailleurs.

    Enfin bref, en un mot comme en cent je suis une indécise. J'ai mis dix ans (bon un peu moins) à écrire la suite, non pas parce que je n'avais pas d'idées, mais parce que j'en avais trop et que je n'arrivais pas à les mettre en ordre et à me décider sur les détails inutiles que j'allais utiliser. J'ai dû changer quinze fois d'avis (littéralement) avant d'enfin être d'accord avec moi-même. Et ensuite s'est posé l'éternel problème de "je n'arrive pas à écrire ce que je veux", qui devient un réel soucis dans ces derniers chapitres.

    Deuxième raison, absolument banale, je fais des études. Alors c'est extrèmement banal comme excuse, mais bon c'est que ça occupe ces choses là, et ça prend la tête et du temps.

    Mais me revoilà. Enfin presque. Bon si un peu quand même. Avec le chapitre 10. Du à mes nombreux changement d'avis il se peut que j'ai modifié le chapitre 9 que j'ai donc remplacé. Il ne doit pas y avoir de changements majeurs mais voilà.

    (j'ai encore écrit bien plus que ce que j'avais prévu)

    Enjoy!


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